Lorsque cette « guerre de dix jours » opposant la minuscule Gaza au puissant Etat d’Israël a commencé, le 10 mai, et que les avions de chasse et autres hélicoptères du Tsahal ont commencé leurs séries de bombardements meurtriers, beaucoup de gens, y compris dans le monde arabe ont eu un sentiment d’abattement mêlé de crainte et d’ennui.
C’était comme un sentiment de déjà-vu, d’un éternel recommencement avec le même scénario de la même violence, des mêmes morts, des mêmes images. Et avec zéro perspective pouvant un jour ouvrir sur la paix.
Divisés entre ceux qui par intérêt économique se sont rapprochés de l’Etat hébreu gardant un silence gêné, et ceux qui par souci de ne pas contrarier leur population l’ont laissé exprimer sa colère, les Arabes n’ont pu adopter une attitude commune ou parler d’une même voix. D’autant que cela fait un bon moment déjà que la Ligue arabe tombée dans l’escarcelle des riches princes du pétrodollar est un machin qui ne sert pratiquement à rien. Quant au puissant occident auquel on doit l’origine de cette interminable tragédie, il a préféré se tenir cette fois à distance.
L’Europe, à l’image d’une France ménageant d’abord la chèvre et le chou, finit toujours par condamner « les terroristes » palestiniens pour faire passer son soutien à Israël. Les États Unis de Biden, un moment hésitant à cause sans doute du poids de l’héritage trumpiste, ont vite annoncé marcher aux côtés de l’ami israélien.
Tout indiquait donc qu’on allait vivre un remake de la guerre de 2014, avec un bilan déséquilibré, des morts par centaines du côté palestinien et des destructions massives, et quelques dizaines de victimes du côté israélien. Un cessez-le-feu imposé par les puissances mondiales pour permettre aux Palestiniens de compter leurs morts et panser leurs blessures, aux autres de boire la tasse, et …à Netanyahou de savourer sa victoire en s’imposant de nouveau comme le sauveur d’un Israël menacé par une horde de terroristes extrémistes.
Cette fois le scénario ne s’est pas passé comme prévu et n’a surtout pas eu la même fin.
En signant le cessez-le- feu avec ceux qu’il considère comme des « terroristes », Israël reconnaît au Hamas le statut d’un partenaire à part entière avec lequel on peut, on doit dialoguer. En conséquence beaucoup de choses vont changer.
D’abord Hamas va désormais obtenir la légitimité de représenter le peuple palestinien, reléguant le Fatah de Abbès à une organisation du passé, embourgeoisée et inutile. Il va, au niveau régional, réhabiliter les mouvements islamistes, notamment en Égypte où ils sont réprimés, comme les derniers résistants.
Ensuite, en sortant ainsi victorieux sur le plan psychologique et moral malgré les morts et la destruction, Hamas va imposer des changements au sein d’Israël et pousser les Israéliens à tourner la page de Netanyahou dont la politique de la terre brûlée vient de prouver sa limite et mis, par la même occasion, la paix intérieure du pays en danger en créant de fortes tensions entre juifs et arabes israéliens qui menacent d’une guerre civile.
C’est enfin une leçon que Hamas donne, ou fait rappeler, aux hommes: quand un peuple combat pour une cause juste, aucune puissance ne peut vaincre. La foi des Palestiniens a eu raison de la puissance brutale du pouvoir israélien. C’est David(Daoud) triomphant de Goliath(Jalout) et c’est dans les Livres des uns et des autres.
En infligeant une telle défaite morale au pouvoir israélien, Hamas vient peut-être de dégager la voie à une solution pour une paix réelle et durable.
Mohcen Lasmar