Benjamin Netanyahu avait tenté en vain d’attirer les islamistes de Ra’am pour former un gouvernement qui le maintiendrait au pouvoir, mais le parti de Mansour Abbas a choisi le « changement » proposé par Naftali Bennett et Yaïr Lapid. La formation arabe et ses quatre députés -sur les 120 de la Knesset- ne sont pas des partenaires de tout repos. Elle sait ce qu’elle veut et elle est décidée à l’obtenir. « Naftali Bennett et Yaïr Lapid ont compris le message » disait, il y a moins de quinze jours, un responsable de Ra’am. Un député affirmait que son parti pourrait déclencher des crises pour obtenir ce qu’il veut… Déjà, il a obtenu la non reconduction de la loi qui bloque l’obtention automatique de la citoyenneté aux Palestiniens qui épousent des citoyens israéliens (ennes); il a fait retirer le projet de loi sur la dépénalisation du cannabis, invoquant leur opposition pour des « motifs religieux »; il a rappelé dan un message de Mansour Abbas au Premier ministre que « la mosquée Al-Aqsa est la propriété exclusive des musulmans; il a menacé de boycotter les réunions de commission et les votes en séances, arguant que le gouvernement ne satisfaisait pas assez vite leurs demandes et pour s’opposer aux discussions prévues avec la Liste arabe pour obtenir son soutien sur tel ou tel vote -Ra’am estimant que cela diminuerait son propre poids; il a obtenu le transfert de l’Autorité pour le développement et l’établissement des bédouins dans le Néguev du ministère de l’Économie à celui des Affaires sociales et exigent maintenant le remplacement du directeur général de l’Office des affaires bédouines par « quelqu’un avec qui il est possible de travailler ». C’en est trop pour un député du parti sioniste religieux Ofir Sofer qui accuse le parti islamiste de poursuivre « avec insolence des conflits d’intérêt patents », mais qui ajoute qu’il obtiendra ce qu’il veut…
Mazen Ganaïm, un des quatre députés de Ra’am, réplique que « ce que nous faisons n’est pas de l’extorsion. Nous agissons au nom de la communauté arabe du pays (…) C’est une population de près de 18% qui a été négligée et ce que nous faisons ici est de corriger cette injustice ».
Jusqu’où peut aller le parti islamiste? Son intérêt n’est pas de provoquer une crise qui conduirait à de nouvelles élections qui ne le ramènerait certainement pas au pouvoir car la droite pourrait être cette fois majoritaire. Bennett et Lapid céderont jusqu’où? La coalition manque toujours d’unité et de cohérence…
Des chercheurs de l’université Bar-Ilan de Ramat Gan, près de tel Aviv, pensent que Ra’am, branche « sud » du mouvement islamique -la « nord » est hors la loi- s’est éloignée des frères musulmans et que, pragmatique, elle ne présenter aucune revendication sur le projet sioniste ou sur la loi de l' »État nation contestée par les Arabes israéliens, mais concentrera son action sur l’amélioration des conditions de vie de ces 18% de la population, notamment la sécurité dans les communes arabes où la criminalité a explosé. Netanyahu avait compris ces ambitions qui ne le dérangeaient pas… Ce qui n’empêche pas son parti, le Likoud, de prétendre qu’ « il n’y a jamais eu de coalition aussi défaillante et chancelante » et que « ce gouvernement frauduleux s’appuie sur des forces antisionistes » – pas seulement Ra’am, mais aussi Meretz qui soutient le principe de « deux peuples, deux Etats ».