Par Mohcen Lasmer
Une vague de violences déferle depuis quelques jours sur le pays, dont l’acte le plus frappant a été l’odieuse agression d’un élève sur son professeur, qui a ému tous les Tunisiens et mis en lumière toute l’horreur d’un phénomène qui gagne chaque jour en espace et en intensité.
Violence à l’égard des femmes, violence à l’égard des enfants, violence à l’égard des travailleurs subsahariens, violence verbale, violence physique, destruction des biens publics et privés…, la violence est protéiforme et se manifeste de manières diverses, et il semble que la petite Tunisie du jasmin s’y soit résignée.
Mais plus grave encore la violence elle-même, c’est l’absence d’une réflexion profonde, structurée et responsable sur le phénomène qui fait davantage peur, laissant paraître l’indigence intellectuelle et politique d’un pays vivant au jour le jour, incapable de faire face à sa réalité et de se projeter dans l’avenir. D’ailleurs comment peut-il en être autrement puisque la première source de violence est la politique elle-même?
Voilà une décennie que le pays vit dans une interminable ambiance conflictuelle, où des acteurs politiques, ayant abandonné leur rôle de porteurs d’idées et de projets, se font une guerre sans merci, dans laquelle tous les coups sont permis, y compris l’accusation de traîtrise et la diabolisation. En dix ans, sauf rares et courtes périodes sous Feu Caïd Essebsi, c’est la volonté d’exclure l’autre qui a régné dans le pays le conduisant à la paralysie, à l’asphyxie.
La source de la violence dans ses pratiques objectives est à chercher ici d’abord, dans cet immobilisme qui se traduit par l’absence de perspectives et le désespoir. Y a-t-il donc plus violent que le désespoir?
Y’a-il plus violente expression de violence que ces jeunes qui prennent la mer en regardant vers l’autre rive et en sachant que c’est la mer qui peut les prendre?
On pourrait évidemment évoquer de nombreuses autres raisons qui mènent à la violence. Le recul des idéologies, le relâchement des structures familiales, les inquiétudes identitaires, la frustration économique, la disparité régionale…, oui, tout cela produit de la violence. Mais la source principale demeure politique et incombe aux politiques en premiers lieu, aux intellectuels, à tous ceux qui assument la responsabilité-car c’en est une-de l’élite du pays, et qui démontrent aujourd’hui leur incapacité de s’élever au dessus de petits intérêts immédiats pour rompre le cercle vicieux de l’immobilisme-désespoir-violence.
Quand, il y’a deux ans le Président Saied a été élu avec un score plébiscitaire de plus de 72%, un espoir fou est né de voir commencer l’œuvre tant attendue de la réconciliation d’un peuple par le dialogue et le bannissant des discours de la haine et de la rancoeur et les attitudes de l’hostilité et de l’exclusion.
Seul le Président de la république, en se plaçant au-dessus des partis, des hommes et de leurs petits intérêts, est en mesure de réunir les Tunisiens et de rallumer le feu de l’espoir. Le chemin est clair et le Président Saied doit avoir le courage de reconnaître qu’aucun homme ne peut dans le monde qu’est le nôtre gouverner seul en ignorant les exigences minimum de la démocratie: les partis politiques et les institutions de représentation du peuple. Continuer à l’ignorer exaspérerait la violence existante en ajoutant au sentiment du désespoir, celui de l’isolement international.
Le courage, le Président Saied a prouvé qu’il en a. Ne désespérons pas d’espérer.
