
Très Touchant !
Par Sayda Ben Zineb
Un événement à marquer d’une pierre blanche, (les 17 et 18 février 2022) date de la projection en avant-première à Mad’Art Carthage, du film documentaire « Siciliens d’Afrique, Tunisie terre promise ». Il a fallu déroger aux interdictions et braver les consignes sanitaires pour que la salle d’Al Mad’art puisse contenir tout ce beau monde de Tunisiens d’origine sicilienne, venus en grand nombre découvrir l’œuvre d’Alfonso Campisi (producteur), et Marcello Bivona (réalisateur). Le risque franchement en valait la peine.
Ce documentaire de 76 minutes s’intéresse à l’histoire commune entre la Tunisie, l’Italie et la France, les deux rives de la mer méditerranée, réceptacle des passions des peuples qui l’entourent, qui a inspiré bon nombre d’écrivains, poètes, artistes peintres et cinéastes…On y aborde différents sujets : l’amour du pays (la Tunisie) et le retour d’une communauté vers un pays inconnu (l’Italie). Une Communauté désorientée qui ne parle pas italien mais plutôt le sicilien, (un mélange d’italien, d’arabe et de français). Autrement dit, l’histoire de la communauté sicilienne de Tunisie pendant le protectorat français, et les rapports entre les différentes communautés qui ont réussi à cohabiter pacifiquement malgré leurs différences religieuses, culturelles et linguistiques, jusqu’à l’indépendance de la Tunisie et la nationalisation des terres en 1964.
Pour recouvrer une dignité
L’histoire de la Communauté italienne de Tunisie à laquelle j’appartiens, explique Alfonso Campisi, (tunisien depuis au moins quatre générations), est l’une des grandes histoires de la Méditerranée. « La Communauté sicilienne compte 3500, la faire connaitre est un devoir pour rendre leur dignité à nos vieux qui en furent les protagonistes vers la fin du XIXème siècle. Au prix de grands sacrifices, souligne t-il, ils ont traversé la mer à la recherche d’une nouvelle vie et « nourrir leurs enfants », comme le témoigne l’un des personnages du documentaire…
Quatre-vingt dix pour cent d’entre eux, estime le producteur, venaient de Sicile, une île qui a légué tant de choses à la Tunisie en termes de langue, cuisine, artisanat, agriculture… Et c’est le but principal de cette œuvre qui donne la parole à un peuple « muet », traité de tous les noms (ces Africains…), et non reconnu de part et d’autre…
Lui même ayant vécu avec sa famille, cette déchirure du rapatriement, Campisi en a pris conscience en retournant dans la maison d’où il venait et qu’il n’a plus quittée. La diaspora a brisé selon lui, les liens familiaux, dispersé et fragmenté la Communauté entre l’Italie et la France où une grande partie d’entre elle a choisi d’émigrer. « Depuis lors, affirme t-il, c’est une mission pour moi de raconter notre histoire, et de la faire partager aux autres ».
Pour Alfonso Campisi, le souvenir est encore très présent parmi les deuxième et troisième générations de rapatriés rongés par le regret d’avoir quitté le pays. Mais quel que soit le choix effectué entre retourner en Italie ou choisir la France, poursuit Campisi, la vivacité culturelle commune est surprenante. La Tunisie doit aujourd’hui assumer un passé récent qui ne peut être oublié mais redécouvert comme un modèle de coexistence des peuples et des cultures…
Témoignages de Claudia Cardinale
« Siciliens d’Afrique, Tunisie terre promise » est constitué d’une série de rencontres et de situations souvent non liées par la chronologie des événements. Les souvenirs, les histoires et les témoignages s’étalent sur un vaste espace de temps afin de transmettre l’atmosphère d’un monde encore vivant, mais perdu dans les souvenirs et les identités. On note particulièrement la présence de Claudia Cardinale qui témoigne pour la première fois aux côtés de sa fille Claudia Squitieri, de son amour pour son pays, la Tunisie. Très touchant !
Une histoire passionnante et douloureuse à la fois, qui porte en elle des messages d’espoir pour l’avenir de l’Humanité. Le travail a été rendu possible (malgré quelque retard dû à la pandémie), grâce au soutien de l’Institut culturel italien, de l’ambassade d’Italie à Tunis, et de l’Université de Catane entre ‘autres…« Siciliens d’Afrique, Tunisie terre promise » fera, nous annonce t -on, quelques tournées au mois de mai à Rome, puis à l’Institut du Monde Arabe à Paris, et probablement- pour ceux qui ne l’ont encore vu, d’autres projections à Tunis.