Plusieurs yachts aux mains d’oligarques russes ont été saisis en Europe depuis l’invasion de l’Ukraine par Moscou fin février, mais la prise du « Shéhérazade » serait incontestablement la plus spectaculaire si sa propriété était attribuée au maître du Kremlin. Sa proue tournée vers la Méditerranée, le navire de 140 mètres de long, d’une valeur estimée à 700 millions de dollars, repose en cale sèche à Massa, cité balnéaire huppée de Toscane (centre), dont l’arrière-pays conduit aux célèbres carrières de marbre de Carrare. Il serait stationné là, dans le chantier naval de la société The Italian Sea Group, depuis plusieurs mois pour maintenance. Impossible de l’approcher. Aucun signe manifeste d’activité à bord, a constaté mercredi une journaliste de l’AFPTV. Sorti des chantiers navals allemands Lürssen en 2020, le yacht offre deux plateformes pour hélicoptère, une piscine, un cinéma et une batterie anti-drones, croient savoir les administrateurs du site SuperYachtFan, qui se présentent comme des journalistes d’investigation. Une enquête de la police financière italienne est en cours, qui pourrait rendre ses conclusions dans les jours à venir, a indiqué à l’AFP une source proche des investigations. Selon des informations de presse, le « Shéhérazade« , qui bat pavillon des îles Caïman, appartient à une société enregistrée aux îles Marshall. Son capitaine est britannique mais le reste de l’équipage était russe – du moins jusqu’à récemment-, affirme l’équipe du dissident russe Alexeï Navalny qui, dans une vidéo postée sur YouTube lundi, attribue ce monstre des mers à Vladimir Poutine. Elle se fonde notamment sur une liste d’hommes d’équipage comportant plusieurs membres du FSO, le service fédéral russe de protection des personnalités. Coïncidence ou manœuvre désespérée pour dissimuler l’origine du bateau, tout l’équipage a été remplacé ces derniers jours.
« L’équipage était exclusivement composé de personnel russe. Et tout à coup, tout le personnel a été échangé pour un équipage de nationalité britannique« , explique à l’AFP Paolo Gozzani, secrétaire général de la confédération syndicale CGIL à Massa. D’après le quotidien américain New York Times, Washington a bien recueilli des indices associant le président russe au luxueux navire, lequel aurait effectué deux voyages, en 2020 et 2021, vers la station balnéaire russe de Sotchi, sur les rives de la mer Noire.
Faux, rétorque The Italian Sea Group. « La propriété du +Shéhérazade+ ne peut être attribuée au président russe Vladimir Poutine« , a réagi dans un communiqué l’entreprise, qui dit s’appuyer sur « la documentation en sa possession et les résultats des vérifications menées par les autorités compétentes« . Le capitaine du « Shéhérazade« , interrogé par le New York Times, a déclaré n’avoir jamais vu le président russe à bord.