
Par Sayda Ben Zineb
Née à Splif en Croatie, Jelenka Galic Bellagi a eu sa maîtrise de l’ITAAT, Tunis en 1981, couronnée d’un Prix présidentiel), et un doctorat en Arts Plastiques et Sciences de l’Art de la Sorbonne en 1988. Elle a pris part à de nombreuses expositions collectives depuis 1987 en Tunisie et à l’étranger, dont « Art mais de terre » à Belgrade, et en France, avec les grands céramistes français. Sans oublier la Galerie Dar Salem à Khartoum, au Soudan, etc…
Parmi ses notables participations aussi, celles au festival international de céramique artistique à Scopin en Russie en 2004, (Prix créativité), et au festival des arts plastiques de Gafsa (2016), en partenariat avec l’association « Capsa, Art et Culture ». Jelenka Galic Bellagi a enseigné à l’ITAAT, à l’Institut de la Jeunesse et au Centre National de Céramique d’Art, et a illustré deux livres pour enfants sur le thème de sa recherche (Doctorat 3ème cycle à l’Ecole des Beaux Arts de Tunis) : « la mise en image du conte populaire tunisien, Khnifsa, Dnifsa ».
Venue de Kélibia, lieu de sa résidence, l’artiste nous offre à voir et apprécier ces jours-ci à la Galerie Mosaïques (de Lemia Ben Khelifa Frini, grande amatrice d’art), une très belle exposition, constituée d’une quarantaine de tableaux entre céramiques, peintures à l’huile et autres techniques mixtes.
Entretien.
*Vous avez commencé à toucher à l’argile dans les années quatre-vingt. Vous étiez impressionnée par l’art de la céramique en Tunisie, et surtout en regardant évoluer, l’artiste céramiste Marie-Hélène Cheltout. Pourriez-vous nous parler de cette période ?
Jelenka Galic Bellagi : je voudrais préciser que j’ai commencé à travailler la céramique à l’âge de 11 ans jusqu’à 15 ans, au collège en Croatie ; une école expérimentale, soutenue par le ministère des Affaires Culturelles des Etats Unis. C’était la période du Communisme qui nous a valu la confiscation de tous nos biens. Après le Bac, je me suis inscrite à la faculté de Droit à Split, lieu de ma naissance, seulement je n’étais pas assez motivée pour cette carrière. Un séjour d’un an à Paris m’a ouvert les yeux sur un autre monde, celui des Arts, le Musée du Louvres, la période orientaliste et les maîtres épris de Lumière.
Marie-Hélène Cheltout et moi, on était amies ; nous avons travaillé ensemble la céramique, chacune à sa façon en utilisant au début un four improvisé à l’ancienne, fait de bois et de briques pour la cuisson.
*Femme de diplomate, vous avez accompagné votre mari, Mohamed Bellagi, (ancien journaliste et écrivain), lors de ses missions à l’étranger où vous avez découvert toutes sortes d’argile, et acquis maintes expériences. Pourriez-vous nous en parler ?
-Mon séjour à Lyon en France m’a fait aimer l’art du raku, (le résultat d’une technique d’émaillage, développée dans le Japon du XVIème siècle), et au Soudan, une argile particulière, riche en matières organiques. Puis l’aquarelle, grâce à la rencontre avec une artiste anglaise experte en la matière. A Moscou, j’ai travaillé une argile d’un rouge intense que j’ai découverte par hasard dans une usine de céramique. J’en étais subjuguée, contrairement aux Russes qui étaient plutôt attirés par l’argile blanche ?
*Vous avez donné un titre à votre exposition, « Lumière dans la nuit », pourquoi ?
-Durant les deux années de pandémie, on n’avait pas le droit de sortir sauf pour nécessité. J’ai fouillé dans mes dossiers et j’ai trouvé des carreaux en gouache, alors je me suis mise à gribouiller juste pour passer le temps. Le résultat, la réalisation de cette série de tableaux que j’expose actuellement à la Galerie Mosaïques sous le titre, «Lumière dans la nuit ». Mes œuvres avaient tout simplement illuminé mes jours et mes nuits. Pour moi, l’Art c’est une lumière dans la vie, sinon, ça ne sert à rien.
*Comment procédez-vous dans l’assemblage de ces petites pièces de terre cuite pour les transformer par la suite en de beaux tableaux de mosaïques. Une technique qui nécessite beaucoup de souffle et surtout de patience. Est-ce une sorte de jeu pour vous ?
-Effectivement, je m’amuse, je joue en écoutant de la musique. Je me concentre sur mon travail tout en n’étant pas sûre du résultat. Les tableaux céramiques sont réalisés avec une argile de couleurs naturelles différentes, ou avec une argile blanche colorée. Les dessins sont faits avec les engobes (mélange liquide d’argile et de colorants céramiques). Certains tableaux sont construits avec les pièces en céramique émaillée ; l’émail cuit est parfois gravé avec un graveur électrique. Le temps que je consacre à faire aboutir une œuvre ne compte pas, le plus important et le plus difficile, c’est de trouver un thème intéressant d’inspiration.
*D’où puisez- vous votre inspiration ?
-Je la puise de mon environnement à Kélibia où je vis, et de Split en Croatie où j’ai grandi. L’idée me vient soit en me promenant au bord de la mer, soit en lisant un livre, vu que la lecture représente ma grande passion ; une caractéristique que j’ai héritée de mon grand père maternel qui était journaliste et écrivain, membre de l’Académie des Sciences et des Lettres à Split.
* On ne vous croise presque plus dans les galeries. Pourquoi vos expositions personnelles et de groupe deviennent-elles si rares ?
-Il faut dire que j’ai exposé régulièrement avec l’Union des Artistes Plasticiens Tunisiens jusqu’au jour où on a décidé de ne plus m’inviter. Pour eux, je ne représente aucune contrée, ni la Tunisie, (mon pays d’adoption et celui de mes enfants et mon mari), ni la Croatie, un petit pays qui n’existe pas non plus pour eux… C’est vraiment malheureux et frustrant !