
Par Sayda BEN ZINEB
Sous le patronage de l’ambassade de la République de Pologne, et dans le cadre des Journées du Patrimoine Polonais, s’est tenu vendredi 26 mai 2023, un concert de piano Jazz joué par l’artiste polonais Artur Dutkiewicz. Le cadre resplendissant de l’événement a été celui du Palais Ennejma Ezzahra à Sidi Bou Saïd; parfait espace intime pour les réverbérations harmonieuses d’un piano solo et des invités si proches de l’artiste et de la scène.
Artur Dutkiewicz est surnommé l’ambassadeur du jazz de son pays avec sept albums enregistrés ou co-enregistrés avec d’autres artistes, une tournée dans soixante-dix pays à travers le monde ces dernières années, et des performances dans de nombreux festivals de musique et de Jazz dont le MIDEM à Cannes. Finaliste du concours Thelonius Monk à Washington, États-Unis, il est aussi décoré de la médaille d’agent par le ministère polonais de la Culture et du Patrimoine. Artur Dutkiewicz n’est pas uniquement pianiste, mais aussi chef du « Artur Dutkiewicz Trio » de Jazz (avec percussion et Basse) et compositeur. Quelques unes de ses compositions ont agrémenté le concert notamment.

A l’image de Chopin qui s’était inspiré de sa Pologne natale et de ses chants folkloriques pour composer, entre autres, ses Mazurkas et ses Nocturnes, Artur Dutkiewicz a « jazzefié » le folklore sonore polonais dans son propre jeu et ses compositions. Quelques pièces comme sa « Nokturn B dur » (Nocture en Si Bémol Majeur) ainsi que d’autres de son album « 19 Mazurkas » ont été jouées, notamment Oberek, goniony et Africa. Cette dernière, aux rythmes africains, vous plonge dans les secrets échos de la savane. Le musicien a fait remarquer que son oreille a été interpelée par la similitude de ces couleurs africaines avec ce dont elle est le plus familière dans le folklore polonais.
La musique comme jonction universelle, un point de chute qui transcende les frontières, ne s’arrête pas à une seule pièce. Tout le concert est une profonde introspection de l’âme en dépit du rythme haletant du Jazz ; la musique vous parle, on s’y sent chez soi, on y est le plus familier avec soi-même. On ne pourra pas dire que l’artiste vous connait personnellement, ni votre culture, mais c’est le propre de l’art d’effacer ces différences et réduire la distance au néant. D’ailleurs, à titre d’anecdote, ce n’est que la deuxième fois qu’Artur Dutkiewicz visite la Tunisie ; la première étant accompagné de sa femme pour leur lune de miel aux mélodieux sons du Festival de Jazz à Carthage il y a une dizaine d’années.
Quant au folklore polonais, la pièce « Szla dzieweczka » (La petite fille qui venait) a été jouée avec son air innocent de berceuse. Une autre, « Hej Sokoly » (Les Faucons), douloureuse mélodie, a particulièrement captivé le public, poussant même les communautés polonaise et ukrainienne présentes au concert, à donner de la voix et à accompagner le soliste, non sans émouvoir le reste du public. Le chant, également connu en Ukraine, n’est pas sans rappeler le drame humain dont ce pays est actuellement le théâtre. Comme note finale, avant son rappel, la narcissique mélodie folklorique « Bylem ja, Bylem ja… » (C’était moi, c’était moi…) a été présentée pour le grand bonheur des mélomanes.
En l’espace de quelque temps, le concert a été un voyage de tous les sens et dans tous sens depuis la Pologne vers le reste du monde à travers une musique, Jazz dans le genre, universelle dans son étendue, et grâce à un artiste de talent, Artur Dutkiewicz, sûr techniquement, accompli musicalement et habile tisserand du lien humain universel.
