S’ils rendent leurs armes, les Arméniens peuvent rester dans le Haut Karabach où ils seront traités en « citoyens égaux ». Mais du côté de Stepanakert, personne ne croit la parole d’Ilham Aliev, le président dictateur de l’Azerbaïdjan. Il n’a pas respecté l’accord de novembre 1920 en bloquant le corridor de Latchine qui relie l’enclave à l’Arménie. Et on se souvient de ce qu’il disait en novembre de cette année-là après une guerre de plus de 40 jours : « j’avais promis que nous chasserions les Arméniens de nos terres comme des chiens et nous l’avons fait ». Aujourd’hui, ils craignent des massacres.
Entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie, le conflit est ancien, il remonte aux années 1920 quand Staline a décidé de donner le Nakhitchevan, territoire du sud de l’Arménie à l’Azerbaïdjan et le Nagorny Karabakh, situé en Azerbaïdjan à l’Arménie qui considère ce territoire comme son berceau où elle est présente depuis 3 000 ans.
L’explosion de l’URSS et les proclamations d’indépendance en 1991 n’ont pas arrangé les choses et le Haut Karabakh qui se voulait également indépendant n’a été reconnu par personne. Il fait, pour la communauté internationale, partie intégrante de l’Azerbaïdjan.
Une première guerre meurtrière entre 1988 et 1994 a vu la victoire de l’Arménie. Plus de 700 000 Azéris ont dû fuir et le pays a perdu 13% de son territoire. Après quelques jours de combats en 2016, la guerre a repris en 2020, remportée cette fois par l’Azerbaïdjan aidé par son pays frère, la Turquie. En novembre un accord était signé qui prévoyait notamment le corridor de Latchine et l’ouverture d’une voie entre le Nakhitchevan et l’Azerbaïdjan sous le contrôle du FSB russe.
La victoire a assuré la popularité d’Ilham Aliev jusque-là très critiqué par le peuple qui l’accusait de népotisme, de corruption et de ne pas avoir lutté contre le covid sinon par un confinement sévère. Ilham Aliev qui a hérité du pouvoir de son père en 2003, verrait bien sa femme Mehriban Alieva accéder à la présidence lors des élections de 2025, puis elle céderait la place à son fils…
« Commandant suprême victorieux », comme le nomme la presse, Aliev pourrait poursuivre son rêve de rayer l’Arménie de la carte. En décembre dernier, il répétait qu’ « aujourd’hui, l’Arménie est notre territoire », c’est « l’Azerbaïdjan occidental », une réalité historique selon lui et non une revendication territoriale.
C’est pourquoi on craint qu’il ne s’arrête pas au haut Karabakh et qu’il veuille conquérir le Syunik, la région arménienne qui sépare le Nakhitchevan de l’Azerbaïdjan. Ou, au moins, qu’il cherche à ouvrir le corridor de Zanguezour -autre nom du Syunik.
Turquie et Iran…
Si certains observateurs estiment qu’il est capable de poursuivre son avantage et d’user de la force contre une Arménie faible sans craindre la Russie, « protecteur » d’Erevan diminué par sa guerre en Ukraine, d’autres pensent qu’il n’osera pas tant la situation géopolitique est compliquée et les risques de conflit régional élevés. Il faut, en effet, prendre en compte les réactions de l’Iran dont les liens sont forts avec l’Arménie. Téhéran qui propose aussi de construire une voie routière et ferroviaire le long de son territoire pour aller du Nakhitchevan vers Bakou, a affirmé que l’Iran protégera l’intégrité de l’Arménie.

Mardi, au cours d’un entretien téléphonique, le président Aliev a déclaré à Antony Blinken qu’ « il n’y aurait pas d’autre action militaire ». Le même jour à Bruxelles, Hikmet Hajiyev, conseiller d’Aliev a affirmé que son pays « n’a pas l’intention d’entreprendre une action militaire pour créer un corridor terrestre au sud de l’Arménie. L’Azerbaïdjan n’a pas d’objectifs ni de problèmes militaires sur le territoire souverain de l’Arménie ».
Cependant, Bakou tient à ce corridor et son allié turc le soutient pour construire entre leurs deux pays ce qu’ils appelle un « monde turc ». « La « victoire commune » ouvre de « nouvelles opportunités pour une normalisation » dans la région, selon Erdogan.
Aliev et le Premier ministre arménien Nikol Pachinian se rencontreront le 5 octobre à Grenade lors du sommet de la Communauté politique européenne ». En attendant, l’Arménien appelle à agir contre un « nettoyage ethnique ». Qui peut venir à son secours ? pas grand monde. L’Europe parle, envoie de l’aide mais elle s’est liée à l’Azerbaïdjan en lui achetant de plus en plus de gaz. Les Etats-Unis, comme les Européens, ne feront que hausser le ton. La Russie qui a d’autres soucis, se contente de « prendre acte » et de nier tout lâchage d’Erevan.
Ce jeudi, plus de 65 000 des quelque 120 000 ( au maximum) des Arméniens avaient fui le Haut Karabakh. Le 1er janvier, leur république séparatiste n’existera plus. Elle s’est auto-dissoute.


	    	
                                