C’est complexe, tout le monde devra faire des compromis, mais ça avance tous les jours » a affirmé vendredi soir l’Américain John Kirby, porte-parole du Conseil de sécurité nationale, lors d’un échange avec la presse. « Les parties ont ébauché une structure de base pour ce vers quoi nous pourrions nous acheminer », a-t-il déclaré sans donner de précisions. On irait donc bien vers un accord, une normalisation entre Israël et l’Arabie Saoudite avec la bénédiction américaine.
C’est une partie à trois qui est engagée alors que quatre acteurs sont concernés. Mais les Palestiniens, auxquels les trois disent penser, sont mis hors-jeu. Le prince héritier saoudien a beau affirmer que « la question palestinienne est importante » et qu’un accord doit améliorer la vie des Palestiniens, il ne poursuit que ses propres intérêts, son plan « Vision 2030 » qui doit transformer son pays, en faire une puissance régionale moderne et attractive au sein d’un Moyen Orient en paix.
Pour s’entendre avec l’ennemi israélien, faire face à l’Iran qui, malgré la « réconciliation » sous égide chinoise, n’est pas un ami, MBS veut que les Etats-Unis lui fournissent des garanties sécuritaires et lui donne le droit d’enrichir de l’uranium à des fins civiles, voire militaires si Téhéran se dote de l’arme nucléaire.
Pour Benjamin Netanyahou, un accord est un moyen de sauver sa peau menacée par la justice et de s’inscrire dans l’histoire. « Nous sommes proches d’une paix historique. Une telle paix ferait beaucoup pour mettre un terme au conflit israélo-arabe, elle encouragerait d’autres pays arabes à normaliser leurs relations avec Israël, elle augmenterait la possibilité d’une paix avec les Palestiniens ».

Joe Biden, en campagne pour sa réélection, souhaite apparaître comme un homme de paix qui a fait mieux que son rival Donald Trump, promoteur des accords d’Abraham qui n’avaient pas rallié Ryad. Il veut aussi éloigner le pays de MBS de la Chine avec laquelle de nombreux accords viennent d’être signés et qui se rapprochent au plan géopolitique.

On avance chaque jour. Peut-être, mais les obstacles à franchir sont sérieux. En Arabie Saoudite, le vieux roi Salmane reste fidèle à l’initiative de paix de son demi-frère Abdallah en 2002, la paix contre les territoires. Et il n’est pas sûr que la jeunesse saoudienne, attachée à la modernisation, suive facilement le prince sur la voie du rapprochement avec Israël. Il faudra des concessions. Plus de liberté, de démocratie ?
Le Premier ministre israélien est en permanence menacé d’un lâchage de ses alliés religieux et extrémistes qui refusent toute concession aux Palestiniens. Les militaires, eux, ne voient pas d’un bon œil l’Arabie Saoudite accéder au nucléaire. Netanyahou devra-t-il se trouver une nouvelle majorité ou aller vers de nouvelles élections ? Il affirme qu’aucun droit de veto ne sera accordé aux Palestiniens.
Devant l’Assemblée générale de l’ONU, Mahmoud Abbas a insisté : « Ceux qui pensent que la paix peut prévaloir au Moyen Orient sans que le peuple palestinien ne jouisse de ses pleins droits se trompent ». Mais il ne s’est pas prononcé sur un éventuel accord, pas plus d’ailleurs que le Hamas. Impopulaire, l’Autorité palestinienne qui ne tient que grâce à l’aide internationale, surtout européenne, pourrait se laisser « acheter ». Mahmoud Abbas a reçu mardi les lettres de créances de l’ambassadeur saoudien et, première depuis 30 ans, une délégation du Royaume a visité la Cisjordanie. Ryad rétablirait son aide à l’AP et contribuerait largement au développement économique des territoires occupés.

Des rues arabes pourraient s’indigner, mais le soutien aux Palestiniens est plus un alibi qu’une véritable cause à défendre…
L’ambassadeur Nayef al-Sudaïri a rappelé que « l’intérêt du prince héritier pour la cause palestinienne n’est pas nouveau mais il souhaite la paix et la stabilité pour la région ». Si l’objectif de deux Etats est maintenu, il semble de plus en plus éloigné. Et cela même si la normalisation entre Israël et l’Arabie Saoudite n’est pas forcément pour demain.
On avance chaque jour mais rien n’est encore acquis.