« Si nous le faisons venir, c’est précisément pour lui demander d’aller plus loin sur la lutte contre l’impunité », déclarait Jean-Noël Barrot, le ministre français des Affaires étrangères avant l’arrivée à Paris du président intérimaire de la Syrie, Ahmad al-Chareh. Et, ajoutait-il, pour parler de lutte contre le terrorisme.
En France, comme ailleurs, on s’interroge sur la personnalité et la sincérité de l’homme fort de Damas, surtout après les combats qui ont causé la mort d’environ 1700 alaouites et druzes. Le djihadiste islamiste qui combattait sous le nom d’Al Jolani a répété que « la sécurité des Syriens est la première priorité, » et qu’il n’y aurait « pas de place pour les confrontations confessionnelles en Syrie ».
Il s’est présenté comme « fiable » dans tous les domaines, mais ses protestations d’innocence sont-elles totalement convaincantes. S’il a reconnu des règlements de compte, Al-Chareh a affirmé que « les actes tragiques de ces derniers mois ont été le fait d’éléments de l’ancien régime qui ont profité de la faiblesse de la situation intérieure pour rallumer la guerre et les médias trompeurs ont essayé de raconter des histoires totalement fausses pour nous rendre uniquement responsables ». Les coupables désignés par un comité d’enquête seront jugés.
Difficile de croire à la réelle bonne foi de l’islamiste d’autant que des experts de la région estiment que la majorité des factions officiellement dissoutes et intégrées dans l’armée restent loyales à leurs chefs d’origine.
Ahmad al-Chareh a plaidé que lui et les siens n’avaient rien à voir avec le terrorisme, que son objectif n’avait été que de « viser un régime criminel », qu’ils avaient « évité de toucher aux civils » et qu’ils avaient payé « un prix très élevé pour sauver la Syrie ».
Sauver, il faut encore attendre. Notamment la levée des sanctions qu’il a réclamé parce que « rien ne justifie qu’elles soient maintenues ». Emmanuel Macron a souhaité leur levée au niveau européen dès juin, et a appelé les Etats-Unis à en faire autant, tout en vérifiant que Damas respecte ses engagements.
La France, soucieuse d’une reconstruction économique et démocratique de la Syrie, entend faire confiance aux nouveaux dirigeants placés sous surveillance. Sans aide, ce pays où la pauvreté touche 90% de la population, ne pourra se redresser. Et la région retrouver de la stabilité.
L’opposition de droite et d’extrême droite qui ne retient que le terme islamiste accolé à Ahmad al-Chareh a violemment critiqué cette visite. Emmanuel Macron a rejeté « des postures à des fins politiciennes pour parler à des électorats » et ironisé : « C’est la vie des bêtes, et ça continuera ».