Une pétition fait la « une » de l’actualité en France. Présentée il y a dix jours par une étudiante de 23 ans, Eléonore Pattery, elle a dépassé les 900 000 signatures ce dimanche à 14 heures et pourrait dépasser le million et demi. Un record absolu. Elle demande l’abrogation “immédiate” de la loi Duplomb, du nom du sénateur qui l’a proposée. Adoptée sans débat par les députés, elle prévoit notamment la réintroduction à titre dérogatoire et sous conditions de l’acétamipride, pesticide de la famille des néonicotinoïdes, interdit en France mais autorisé dans le reste de l’Union européenne. Le texte, présenté comme une réponse à la colère des agriculteurs début 2024, facilite aussi le stockage de l’eau dans les mégabassines et l’agrandissement ou la création de bâtiments d’élevage intensif.
Ce matin, la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, a déclaré qu’elle était favorable à l’organisation d’un débat après la rentrée parlementaire, mais le règlement de l’Assemblée ne permet pas de vote et donc pas de conséquences du point de vue législatif.
Le sénateur Duplomb, soutenu par le gouvernement, affirme que le maintien de l’interdiction du pesticide par la France « fait courir une concurrence déloyale » à ses agriculteurs. « Moins nous produirons en France, plus nous seront soumis à acheter des produits qui viennent d’ailleurs et qui ne correspondent pas du tout à nos normes », fait-il valoir, arguant aussi que la réintroduction de l’acétamipride, ne « concernera que 500 000 hectares en France, soit 1,7 % de la surface agricole utilisée ». L’élu estime que l’agriculture française « disparaîtra » si on lui impose « des normes supérieures » à celles de ses voisins européens.
Les écologistes et les opposants à cette loi affirment qu’elle marque un recul majeur pour la santé publique et redoutent la disparition non pas de l’agriculture mais des paysans. Selon eux, les dangers des pesticides pour la santé humaine ne sont plus à démontrer. Les expertises collectives de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) de 2013 et 2021, fondées sur une analyse exhaustive de la littérature scientifique, établissent une forte présomption de lien entre l’exposition à ces substances et de nombreux cancers : prostate, leucémies, myélomes, lymphomes, cancers pédiatriques. S’y ajoutent des maladies neurodégénératives. On sacrifierait la santé à l’économie. Avis pas forcément partagé par les voisins de la France…
La députée écologiste Sandrine Rousseau, qui ne rate jamais une occasion de se faire remarquer, est catégorique : « J’en ai rien à péter de la rentabilité des agriculteurs. La rentabilité de l’agriculture par des produits chimiques au détriment des sols, de la biodiversité et de notre santé, ce n’est pas de la rentabilité, c’est de l’argent sale».
Derrière ces positionnements, on trouve la bataille entre deux conceptions de l’agriculture. Doit-elle être paysanne fondée sur l’agrobiologie avec de nombreuses petites fermes ou productiviste, intensive dans des exploitations de grande taille. Au cœur de cette bataille, se cache la question jamais résolue du revenu des agriculteurs et de leurs conditions de vie. On peut faire des moyennes, mais elles ne veulent rien dire. Certains sont des entrepreneurs prospères, d’autres, sous le seuil de pauvreté, se suicident…