« Faut-il pleurer, faut-il en rire, fait-elle envie ou bien pitié » chantait Jean Ferrat il y a cinquante ans. Il ne parlait pas de politique, mais aujourd’hui, bien des Français se sont posé la question en découvrant une situation totalement inédite et folle : ils se sont endormis avec un gouvernement et réveillés avec un Premier ministre démissionnaire !
Un spectacle affligeant et aussi une inquiétude grandissante face à l’avenir. « La politique française est devenue baroque » remarque avec raison le politiste Bruno Cautrès dans Le Monde. Et cela dure depuis la dissolution de juin 2024 suivie par des législatives qui ont donné une Assemblée nationale sans majorité absolue, divisée en trois blocs. Chacun revendique le pouvoir, parle de compromis nécessaires tout en maintenant ses positions.
En présentant sa démission, Sébastien Lecornu a bien expliqué le blocage français : « les partis politiques continuent d’adopter une posture comme s’ils avaient tous la majorité absolue à l’Assemblée nationale. Et, au fond, je me suis retrouvé dans une situation dans laquelle j’étais prêt à des compromis, mais chaque parti politique veut que l’autre parti politique adopte l’intégralité de son programme. C’est vrai des formations, parfois du socle commun, c’est vrai aussi des oppositions ».
Et il y a cette nomination inexpliquée, voire inexplicable de Bruno Le Maire au ministère des Armées. Il y a quinze jours, l’ancien ministre de l’Economie affirmait que son retour était « exclu ». Prétextant qu’il n’avait pas été prévenu, le Républicain Bruno Retailleau, qui a tendance à se prendre pour le véritable patron du gouvernement, a accusé Lecornu de « déloyauté, de duplicité » et, estimant que la « rupture » promise n’était pas là, a retiré sa confiance. Une décision qui est également prise dans le cadre de la bataille qui l’oppose à Laurent Wauquiez : ne pas réagir à la nomination de l’homme aux « mille milliards de dette » aurait passé pour un signe de faiblesse. Impossible quand on songe à 2027. Ce qui est d’ailleurs le cas de tous les leaders de tous les partis…
Et maintenant ? Aucun examen de conscience de la classe politique. De l’extrême gauche à l’extrême droite, dirigeantes et dirigeants n’ont qu’ une volonté, qu’une ambition : servir l’intérêt général, travailler pour le bien des Français en appliquant leur programme qui, prétendent-ils, est validé par eux. Pour y arriver, il faut une nouvelle dissolution ou la démission du président. Courte vue : tous les sondages indiquent que la France retrouverait une Assemblée divisée encore divisée, sans majorité absolue. Et un nouveau président ne changerait pas l’équation.
Ancrés dans leurs certitudes, les politiques ne se sentent pas du tout responsables du blocage qui pourrait conduire au chaos et ajouter une crise économique -les marchés sont dans le rouge- à la crise politique. Pourtant, ils sont tous coupables. En partant, Sébastien Lecornu leur adresse un message : « il faut toujours préférer son pays à son parti »…