L’ONU dénonce «les crimes les plus graves» qui se poursuivent dans la ville soudanaise d’El-Facher, contrôlée depuis plusieurs semaines par les paramilitaires. Elle a affirmé vendredi à Genève que ces atrocités «étaient prévisibles et évitables».
«Mon bureau a publié plus de 20 déclarations seulement sur El-Facher en un an», a dit le Haut commissaire aux droits de l’homme Volker Türk au début d’une session spéciale du Conseil des droits de l’homme. Le siège qui a été mené par les Forces de soutien rapide (FSR) «étranglait» la population, avant même les récents massacres, a-t-il ajouté.
«Nous avons alerté sur la propagation de la famine», a encore dit l’Autrichien. Et que la prise d’El-Facher aboutirait à un «bain de sang». Le Haut commissaire a ciblé des exécutions massives de civils, des violences à caractère ethnique, des abus sexuels ou encore des enlèvements contre rançons ou encore des attaques contre des infrastructures. Des milliers de personnes sont portées disparues.
«C’est un modèle que nous avons documenté encore et encore dans ce conflit» depuis plus de deux ans, a-t-il déploré. Il s’en est pris au manque d’engagement des Etats pour faire face à cette situation.
Le Haut commissaire demande aux pays influents de garantir la protection de la population à El-Facher et dans la région et l’acheminement d’assistance humanitaire. Et les Etats doivent également faire en sorte que les responsables soient poursuivis et que l’embargo sur les armes soit appliqué.
Vers « un nouveau El Fasher »
La Cour pénale internationale (CPI) suit de près la situation et a estimé que de possibles crimes contre l’humanité ont été perpétrés. «Nous vous regardons», a aussi affirmé M. Türk aux parties au conflit. Il a répété son inquiétude sur la possibilité d’atrocités au Kordofan voisin du Darfour. Selon une membre de la Mission internationale de l’établissement des faits, Mona Rishmawi, «la famine commence à arriver» dans cette région et pourrait aboutir à un «nouveau El-Facher».
Un projet de résolution qui doit être discuté lors de la réunion prévoit une «condamnation ferme» de l’augmentation des violences et des indications d’atrocités perpétrées par les FSR à El-Facher. Il cible également les violations du droit international humanitaire (DIH) comme les exécutions à caractère ethnique, la torture, les exécutions sommaires et les détentions arbitraires des civils.
Il relaie aussi une inquiétude sur la situation des 200’000 civils qui seraient toujours bloqués à El-Facher et des 70’000 personnes qui ont pu fuir dans des villes proches. Tous restent exposés à des violences sexuelles et au manque de nourriture et d’eau. Des centaines de femmes ont été violées, selon des indications relayées par la Mission d’établissement des faits.
Emirats accusés
Le projet de résolution demande encore à celle-ci de mener une investigation urgente sur les récentes violations à El-Facher et dans la région par toutes les parties. De quoi fâcher les autorités soudanaises qui souhaitaient qu’il ne porte que sur les paramilitaires et qui ont dénoncé vendredi «le manque de pression» sur les FSR pour éviter un «génocide». La Mission devrait aussi identifier les individus qui sont responsables d’atrocités.
Elle a estimé par le passé à plusieurs reprises que les FSR avaient perpétré des actes équivalant à des crimes contre l’humanité. Et elle a reproché à l’armée des crimes de guerre présumés.
Le projet de résolution demande encore à tous les acteurs extérieurs de ne pas acheminer des armes auprès des parties au conflit. Les Emirats arabes unis sont régulièrement accusés d’approvisionner les FSR en violation de l’embargo décidé par le Conseil de sécurité de l’ONU. Des allégations qu’ils rejettent.
Jeudi, l’ambassadeur émirati a affirmé aux correspondants accrédités à l’ONU à Genève (ACANU) que ni l’armée, ni les paramilitaires «ne doivent contrôler l’avenir du Soudan, ni avoir un rôle». Les Emirats souhaitent le passage à des autorités civiles et que la session spéciale mette «la protection des civils» et l’accès humanitaire au centre des discussions. Il faut sortir du conflit, ajoute aussi l’ambassadeur.
Depuis le début de la guerre, des dizaines de milliers de personnes ont été tuées. Le conflit a fait près de 13 millions de déplacés, dont quatre millions de réfugiés. Selon les estimations, plus de 21 millions de personnes font face à une importante insécurité alimentaire. Plus de 206’000 sont confrontées à la famine. Des dizaines de millions d’individus doivent être aidés.
