Par Sayda BEN ZINEB
Sis au 32 BIS, rue Ben Ghedhahem, Tunis, un nouveau Centre d’art contemporain vient de voir le jour au cœur de la capitale. Il s’agit d’un espace de création, de recherche, d’exposition et de partage des savoirs, voué à créer des ponts entre la scène artistique locale et internationale, explique Camille Lévy, directrice artistique, lors d’une visite en avant première, (jeudi 17 février), de l’exposition « Wird ». Signée Bruno Hadjih, (photographe, auteur et réalisateur de documentaires, né en Kabylie en Algérie, qui vit et travaille entre Paris, le Gers et le Sahara), l’exposition est conçue et imaginée par la Maison d’édition, Lalla Hadria.
Etant au service des artistes de tous bords ainsi qu’aux différents publics, grâce à une louable initiative de mécènes, le 32 BIS est un lieu où se dessine un dialogue entre les divers protagonistes dans le domaine de la culture et de l’art de Tunisie et de l’étranger. Spacieux comme il est, Il accueille en son sein, une médiathèque spécialisée en art moderne contemporain, autour de laquelle s’articule tout un programme d’éducation artistique et culturelle. La façon dont il est aménagé permet de communiquer un message fort. Pensé comme un laboratoire, le 32bis est un lieu d’échange et d’émulation où se nouent et se dénouent les grands questionnements qui traversent notre époque.
Une réflexion sur le soufisme
Avec « Wird », le public est invité à découvrir une insolite et intéressante exposition photographique et vidéo, où l’image fait corps avec l’obscurité. Le travail de l’artiste franco-algérien Bruno Hadjih, est accompagné d’un ensemble d’objets anciens, issus de la collection d’art islamique, Lalla Hadria, ainsi que d’une installation sonore du musicien et percussionniste connu de la scène locale et internationale, Imed Alibi.
A travers « Wird » et depuis plus de nombreuses années, Bruno Hadjih mène une réflexion sur le soufisme au sein de différentes communautés soufies, des HLM de Montreuil aux grottes de l’Hindi Kouch, en passant par le Mali, l’Iran, ou l’Algérie. Il pose un regard troublant et poétique sur des corps, visages et paysages mystiques dont il a croisé la route. Son travail a été exposé dans de nombreux musées et festivals. Il est aussi l’auteur et réalisateur de films documentaires, parmi lesquels « AT(H)OME » en 2013, « WIRD » en 2020, « Ziara » en 2020 et « Nomad Land Radioactive » en 2021.
Parlant de son travail, l’artiste explique que c’est un cheminement long et mûri qui lui a pris 27 ans de recherches et de réflexion, dont 21 ans de doute et de remise en question, et 6 ans uniquement pour ne garder que le nectar et donner naissance à son langage, non pas qu’il soit le meilleur, mais l’approprié. Le doute selon lui, est un signe de sagesse, et la passion, c’est ce qui nous permet d’aller au-delà des choses. Un long cheminement effectivement avec comme point de départ, le parcours initié par Isabelle Eberhardt en Algérie, suivi d’autres pérégrinations dans le monde et particulièrement en Inde qui lui ont permis de déceler comment matérialiser une vibration qui se dégage d’un groupe à un moment donné.
Tel que présenté par Bruno Hadjih, le « Wird » est une expérience soufie. Autrement dit, c’est la pratique par laquelle une voie mystique se différencie d’une autre. Il permet de transmettre le secret qui attachera le maître à son élève à travers un ensemble d’incantations, de prières, et de respirations qui mène au Hal, à l’absolu. Le Hal, explique t-on, est l’extinction de soi dans l’autre.
Des projets à venir
L’exposition « WIRD », visible depuis le 18 février et jusqu’au 18 mars 2022, marque le début de la Saison inaugurale du Centre 32 BIS qui se poursuivra jusqu’à la fin de l’année en cours. Depuis un an déjà, nous apprend- t-on, de nombreux artistes tunisiens et internationaux ont participé au programme de résidences artistiques dont : Atef Matallah (Tunisie), Doa Aly (Egypte), Jan Kopp (France / Allemagne) et Rafram Haddad (Tunisie).
En perspective, un printemps qui s’annonce riche en nouveaux projets, car le Centre accueillera l’artiste Sud-africaine, Thania Petersen pour une résidence de trois mois, suivie d’une exposition personnelle. En automne et précisément au mois de novembre, plus de 20 artistes tunisiens et étrangers participeront à une grande exposition conçue par l’historienne de l’art franco-égyptienne, Nadine Atallah, intitulée « Le Cheveu de Mu’awiya ». Suivront les différents projets d’accompagnement de jeunes artistes tunisiens et du Continent africain, en particulier à travers le programme AFC-ACADEMY prévu au mois de juin 2022 avec « l’African Culture Found », co-fondé par l’artiste malien Abdoulaye Konaté. Du pain sur la planche durant les prochains mois pour le 32 BIS… Soyons à l’écoute.