Un conflit de plus dans le monde qui, l’an dernier, en comptait 61 dans 36 pays. Ce nouvel affrontement, entre le Cambodge et la Thaïlande, qui peut tourner à la guerre, est totalement dû à l’homme, aux rivalités, au nationalisme. Il n’a aucune cause qui ne puisse être réglée par le dialogue, par la diplomatie.
En cause, le tracé des frontières qui date du début du 20 -ème siècle, du temps de l’Indochine française. Le royaume du Siam, devenu Thaïlande en 1939, l’a toujours contesté car il donnait au Cambodge des temples bouddhistes que le royaume estimait faire partie de son patrimoine historique. Consultée, la Cour Internationale de Justice donnait à plusieurs reprises raison au Cambodge, mais la dispute continuait ponctuée parfois par des combats, des affrontements.
Le 28 mai, une escarmouche faisait un mort du côté cambodgien. Les deux capitales affirmaient ne pas vouloir de conflit, mais la tension augmente, les frontières se ferment, les échanges cessent. La Première ministre thaïlandaise Paethongtarn Shinawatra, veut joindre au téléphone l’homme fort du Cambodge, Hun Sen, qui a placé son fils Hun Manet au poste de Premier ministre. Il ne répond pas, mais la rappelle. Elle a 39 ans et il la connait depuis toujours au point qu’elle l’appelle affectueusement « oncle ». Une conversation au cours de laquelle, la Thaïlandaise, déférente, dit à Hun Sen qu’elle se pliera à ses exigences et lui demande de ne pas prêter attention aux propos du général thaïlandais aux commandes de la région frontalière car c’est l’un de ses « opposants ». Ce qu’elle ne savait pas, c’est que le Cambodgien a enregistré l’appel et le fait fuiter. Scandale à Bangkok où le parti conservateur, bien qu’allié aux Shinawatra au gouvernement, monte au créneau et, le 1er juillet, obtient de la Cour constitutionnelle, la suspension de Mme Shinawatra. Son père, Thaksin, ancien Premier ministre renversé, condamné, exilé puis rentré au pays en 2023 et toujours populaire, dénonce une « trahison » de Hun Sen, son ami de plus de 30 ans et se rapproche de l’armée, affirmant qu’il veut « laisser l’armée thaïlandaise faire son devoir et d’abord donner une leçon à Hun Sen pour ses manœuvres sournoises ». Des deux côtés, on se prépare…
Le 16 juillet, puis le 23, des mines anti personnel explosent pas loin de temples et blessent des soldats thaïlandais. Elles seraient récentes et de fabrication russe alors que le Cambodge, signataire de la convention d’Ottawa, n’est pas censé posséder de mines. La guerre menace.
Si les deux pays se servent des événements pour ressouder la population autour du pouvoir et faire oublier les problèmes internes (économie, droits), des intérêts privés pourraient avoir joué un rôle dans la montée des tensions. Incroyable, mais pourtant plausible. Les Shinawatra veulent légaliser les casinos, ce à quoi leur rival, le centriste Anutin Charnvirakul s’oppose. Hun Sen a des intérêts dans les casinos de la région frontalière de Poipet. Une légalisation des jeux d’argent en Thaïlande menacerait l’attractivité des établissements cambodgiens, entraînant une perte de revenus significative pour les cercles de pouvoir à Phnom Penh. Déstabiliser les Shinawatra et leur parti Pheu Thai (« Parti pour les Thaïlandais ») serait une bonne affaire…