S’il est élu aujourd’hui, et il partait largement favori, le Camerounais Paul Biya sera probablement président à vie. En effet, il a 92 ans et partirait pour un mandat de sept ans, le huitième consécutif depuis 1982. Un record mondial.
Onze candidats lui faisaient face, mais un seul, Issa Tchiroma Bakary, 79 ans, qui a quitté en juin le gouvernement et rejoint l’opposition après vingt ans dans le giron présidentiel, avait une petite chance. Certes, a révélé Jeune Afrique, deux rapports confidentiels en juillet ont mis en garde Paul Biya contre la probabilité d’une victoire de l’opposition, mais ce dernier, au fil des années a verrouillé totalement le système et les institutions, notamment par le biais de nominations, de subventions et même d’achats de voix et de manipulations des résultats…
La grande majorité des 7,8 millions d’électeurs appelés ce dimanche aux urnes pour un scrutin à un tour, n’ont connu que Paul Biya à la tête du pays et, s’ils espèrent un changement, sont plutôt résignés et désabusés. Ils savent que leur pays est une gérontocratie pas facile à bouger. Il y a plus âgé que Biya : le chef de la police, le ministre Martin Mbarga Nguélé, a plus de 93 ans, le président du Sénat, Marcel Niat Njifenji, va avoir 91 ans, tandis que celui de l’Assemblée nationale, Djibril Cavayé Yéguié, au perchoir depuis trente-trois ans, est âgé de 85 ans. Le président de la Cour constitutionnelle, Clément Atangana, a 84 ans. Le chef de l’état-major des armées, René Claude Meka, 86 ans, le ministre de la Justice, Laurent Esso, 83 ans…
Fidèle à son habitude, le président, que l’on voit plus à Genève qu’à Yaoundé ou Douala, n’a pas fait campagne, tenant un seul meeting devant seulement quelques centaines de personnes. Il a promis qu’ ”aucun jeune, qu’il soit diplômé ou non, ne sera laissé sur le bord de la route” et « davantage de femmes à tous les niveaux de responsabilités ». La moitié de la population a moins de 20 ans et, dans les villes, le chômage atteint 35%… Les Camerounais, dont 40% vivaient sous le seuil de pauvreté en 2024 selon la Banque mondiale, se plaignent de la cherté de la vie, du manque d’eau potable, de soins de santé, d’éducation et de la dégradation des infrastructures, notamment des routes – seules 8,2% sont bitumées. Beaucoup de jeunes choisissent l’exil.
Tchiroma Bakary a cherché à les séduire : « « Vous n’aurez plus à mourir dans le désert, ni dans les océans. Nous sommes assis sur de l’or et plein d’autres ressources. Comment peut-on avoir tant de richesse et être si pauvres ? Ce sont les dirigeants qui sont incompétents, et nous allons les mettre dehors ! »
Si jamais, il arrivait devant Biya, sa victoire serait-elle proclamée. En 2018, Maurice Kamto avait affirmé avoir remporté la présidentielle, sans parvenir à le prouver. Il avait été arrêté et emprisonné pendant près de dix mois en 2019. Cette année, sa candidature a été rejetée par le Conseil constitutionnel.
Le Cameroun risque bien de continuer à faire du surplace ou à décliner à moins que la population, une génération Z, ne se révolte ou… que le Président ne meurt. Sa santé, dont il est interdit de parler, est source d’inquiétude et ses longs séjours à Genève, parfois jusqu’à un tiers de l’année, pourraient être motivés par des soins médicaux…
A noter que durant cette période électorale, on a peu évoqué les crises sécuritaires. Dans l’Extrême-Nord, Boko Haram – qui a prêté allégeance à l’État islamique il y a dix ans – et les groupes terroristes « dissidents » sévissent sans discontinuer. Dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, c’est la guérilla menée par les groupes séparatistes anglophones se revendiquant de l’ « Ambazonie » qui fait rage.