« Même si Mohammed ou Jésus-Christ se présente… C’est Ouattara qui gagnera » dit à la presse un habitant d’Abidjan âgé de 30 ans. Une sorte de résignation, de fatalité dans ce pays jeune – la moitié de la population a moins de 30 ans- dirigé, comme le Cameroun par des vieux. Élu pour la première fois en 2011, Alassane Dramane Ouattara, souvent appelé ADO, a 83 ans et vise un quatrième mandat. Il a réclamé aux 8,7 millions d’électeurs appelés aux urnes un « coup KO », c’est-à-dire une victoire au premier tour. Il devrait l’obtenir car le scrutin est verrouillé. Son parti, le Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix est hégémonique et les candidats sérieux, Laurent Gbagbo, 80 ans, et Tidjane Thiam, 63 ans, ont été écartés. Les rassemblements ont été interdits et plus de 700 personnes de l’opposition ont été arrêtées en quelques jours.
Si la réélection de Ouattara semble assurée, on s’interroge sur la participation. En 2020, elle avait été de 53,9% et cette année, elle est annoncée plus faible tant la population est lassée par cette vieille classe politique dominante, surtout les jeunes qui subissent. Mais pas encore de « Gen Z ».
Incertitude également sur l’ambiance, le climat de cette journée de vote et surtout sur l’après-vote. Au moins quatre personnes ont été tuées lors d’incidents ces derniers jours et tout le monde se souvient des troubles post-électoraux de 2011 qui ont fait plus de 3000 morts et de ceux de 2020, 85 morts et 500 blessés. 44 000 policiers et gendarmes ont été mobilisés pour maintenir l’ordre. Lors de son meeting de fin de campagne, ADO a demandé « de bien bien, bien surveiller vos différents quartiers. Parce que vous savez, les chiens peuvent toujours passer ! Mais nous, nous devons être prêts à protéger la Côte-d’Ivoire». Son ministre et porte-parole Mamadou Touré, a dramatisé : « on ne s’en prend pas à des militants de l’opposition mais à des personnes violentes. Arrêtons d’être naïfs, ce sont des gens qui ont des machettes et des fusils ! »
Si Ouattara est contesté et la présidentielle qualifiée de « mascarade » ou de « braquage électoral », son bilan, depuis quinze ans est plutôt positif : 6,9 % de taux de croissance moyen depuis 2012, développement des infrastructures, nombreux investissements étrangers… L’accès aux services de base a été améliorée et l’espérance de vie est passée de 56 à 62 ans. Cependant, les disparités restent fortes et la jeunesse a du mal à se voir un avenir.
Comme au Cameroun de Paul Biya, l’âge est vanté comme un atout pour une bonne gouvernance : Alassane Ouattara veut rester «parce que le pays fait face à des défis sécuritaire, économique et monétaire sans précédent, dont la gestion exige de l’expérience». Il incarnerait la stabilité dans une région secouée par des coups d’Etat. La menace djihadiste s’intensifie et plusieurs Etats sont passés sous l’influence du Kremlin.
