« Si un procureur de carrière peut être licencié sans motif, la peur pourrait influencer les décisions de ceux qui restent », a écrit Maurenne Comey jeudi 17 juillet dans un email cité par le New York Times. « Ne laissez pas cela se produire », demande-t-elle à ses collègues du parquet fédéral de Manhattan, désignant l’intimidation comme « l’outil des tyrans ». Elle a travaillé naguère sur l’affaire Epstein et plus récemment sur celle de P. Diddy. Le « tyran », c’est Donald Trump. Lors de son premier mandat, il avait viré son père, directeur du FBI qui enquêtait sur d’éventuelles ingérences russes dans la campagne de 2016. Depuis son retour à la Maison-Blanche, des dizaines de juristes liés aux enquêtes sensibles le concernant ont été limogés par la ministre de la Justice Pam Bondi qui fait un «fantastique » travail.
Le « tyran » a par ailleurs annoncé qu’il allait poursuivre le Wall Street Journal pour un article lui attribuant une lettre vulgaire et salace adressée à Jeffrey Epstein en 2003, le qualifiant de « faux, malveillant et diffamatoire ». Fidèle à son mantra « n’avoue jamais, sinon tu es mort », cité par Bob Woodward dans son livre ”Peur. Trump à la Maison Blanche” (Seuil, 2018), le président nie et attaque. Néanmoins, cette fois, il est en mauvaise posture, pris en quelque sorte à son propre piège.

Il est prouvé que Donald Trump, homme à femmes, était proche de Jeffrey Epstein. Par exemple, interrogé en 2002, par le New York Magazine qui publie un long portrait d’ Epstein, il déclare « Je connais Jeff depuis quinze ans. C’est un type formidable, c’est quelqu’un de très agréable. On dit même qu’il aime les belles femmes autant que moi, et beaucoup d’entre elles sont plutôt jeunes ».
Le 10 aout 2019, jour où Epstein, condamné pour avoir dirigé un réseau de prostitution et abusé sexuellement de centaines d’adolescentes et de jeunes femmes, se suicide dans sa prison, Trump republie sur les réseaux sociaux un message suggérant que Bill Clinton avait quelque chose à voir avec les événements : «Jeffrey Epstein avait des informations sur Bill Clinton et maintenant il est mort». Ensuite, avec JD Vance, Kash Patel l’actuel patron du FBI, et bien d’autres personnalités trumpistes, il affirme qu’Epstein avait une liste de clients que le gouvernement avait gardé secrète pour protéger des élites démocrates et des célébrités. Leurs thèses complotistes laissent entendre qu’Epstein a été tué dans sa cellule. Au cours de sa campagne présidentielle de 2024, il s’engage à faire la lumière sur le dossier. Fausse promesse et début de frustration des Maga.
Les choses se dégradent encore quand Elon Musk, en plein divorce avec le président, écrit le 5 juin sur X : «Trump est dans le dossier» et «c’est la vraie raison pour laquelle ils ne l’ont pas rendu public». Le patron de Tesla retire son tweet, mais l’affaire rebondit le 7 juillet, quand un mémorandum conclut que le scandale de pédophilie lié à Jeffrey Epstein avait livré tous ses secrets. Les Maga et les plus trumpistes des élus républicains sont en colère. «Je ne crois pas qu’ils disent la vérité sur Epstein», a déclaré le podcaster Brandon Tatum en parlant du gouvernement. «Je pense que ce type était engagé dans quelque chose d’abominable qui implique un grand nombre de gens. Et je parie que certains pourraient faire partie de nos alliés».
A nouveau, Trump nie et accuse : « Pourquoi faisons-nous de la publicité pour des Dossiers écrits par [Barack] Obama, Hillary [Clinton] la corrompue […] et les perdants et les criminels de l’administration Biden ». Et il traite d’ ”idiots”, de ”minables” les Républicains qui doutent de lui.
L’affaire pourrait se transformer en cauchemar politique pour le président. « Cela ne fait que commencer », a jugé sur CNN la journaliste star Kara Swisher. « Si nous perdons 10 % du mouvement Maga maintenant, nous allons perdre 40 sièges [en 2026], nous allons perdre la présidence » redoute Steve Bannon, ancien conseiller de Trump.
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Rappelons que Donald Trump a été condamné en décembre dernier à payer 5 millions de dollars (4,8 millions d’euros) à une autrice, Elisabeth Jean Carroll, qu’il avait agressée sexuellement dans les années 1990, et diffamé lorsqu’elle avait révélé les faits plus de vingt ans plus tard.
Au fil des ans, près d’une vingtaine de femmes ont accusé publiquement Donald Trump de comportements déplacés ou d’agressions. Mais très peu sont allées en justice pour obtenir reconnaissance et réparation. L’entrepreneur, lui, a toujours nié en bloc, parlant d’affabulatrices, prétendant ne les avoir jamais connues.