
Par Naoufel Ben Aissa
Rabii Zammouri et Mehdi Ayachi sont deux musiciens tunisiens talentueux. Le premier est compositeur attitré et le second est chanteur interprète, primé plusieurs fois.
Rabii Zammouri découvre de manière fortuite que, sans être avisé ou consulté, certaines de ses compositions vont être exécutées le 6 Avril par un orchestre régi par le Ministère des Affaires Culturelles dans le cadre de soirées ramadanesques programmées dans l’un des plus prestigieux espaces culturels de la capitale, sous tutelle du même Ministère. A ce propos, ce Ministère qui est le tuteur de l’OTPDA (organisme chargé de protéger les droits d’auteurs) n’arrive toujours pas à honorer ses engagements en la matière depuis des décennies. En abuser de la sorte maintenant est le comble. Or, comme tout le monde le sait, c’est loin d’être surprenant d’autant plus que les créateurs, auteurs et autres bénéficiaires savent qu’en ce pays, leurs droits et les textes de lois ne sont que chimères. En un mot, c’est révoltant.
Mehdi Ayachi quant à lui, interprète diplômé de l’Institut Supérieur de Musique de Tunis et primé de différents festivals et concours nationaux et internationaux, directeur du Conservatoire de Musique de Bizerte, a été viré de son poste tout simplement parce qu’il s’est permis de commettre un crime de lèse-majesté. Il a tout dit au sujet de la maigre participation tunisienne à l’Expo 2020 Dubaï.
En fait, il y a été au même titre que d’autres stars de la chansons. Témoin et victime – puisqu’il a subi in vivo la mauvaise organisation – de la fade participation de son pays au méga événement où les chargés de la partie tunisienne n’ont réussi qu’à ternir l’image de notre pays et le faire apparaître tout petit. En patriote d’abord et surtout, Mehdi a craché le morceau à la TV. La Ministre de tutelle n’a pas trouvé mieux que de le virer et le renvoyer à l’expéditeur (il a repris son poste d’enseignant de musique au collège).
En préfaçant « Le Pain nu » de Mohamed Chokri, Tahar Ben Jelloun a résumé le propos en ces termes « il est donc plus grave d’écrire sur la misère que de la vivre ». En d’autres termes, il faut savoir se contenter du « pain nu » même au risque d’étouffer et « se la boucler. »
Onze ans après la révolution, la vérité qui dérange n’est toujours pas tolérée. La critique non plus. Au même titre que les droits d’auteurs, la liberté d’expression est aussi un leurre . En un mot, c’est révoltant.
