Dans la plus grande région du Donbass, celle de Donetsk, où « des combats se déroulent sur toute la ligne de front », trois personnes ont été tuées et sept blessées vendredi, a déclaré ce matin la présidence ukrainienne. L’autre région de ce bassin minier, celle de Louhansk, a été le théâtre de 24 bombardements qui ont fait deux morts et deux blessés, selon la même source.
Dans le même temps et sans soute en riposte au naufrage du croiseur Moskva, Kiev est redevenue une cible prioritaire pour la Russie. Une usine militaire fabriquant notamment des tanks a été visée samedi 16 avril au matin par un bombardement dans la banlieue de la capitale ukrainienne. Sur Telegram, le maire de la capitale, Vitali Klitschko, a annoncé qu’une personne avait été tuée et « plusieurs » hospitalisées. Le ministère russe de la Défense avait averti vendredi soir que le nombre et l’ampleur des frappes de missiles sur des sites de Kiev vont augmenter en réplique à toutes les attaques de type terroriste et aux sabotages effectués en territoire russe par le régime nationaliste de Kiev »,
A Washington, un haut responsable du ministère de la défense a affirmé que le Moskva a bien été touché par deux missiles ukrainiens, démentant la version de Moscou qui assure que le croiseur a été « gravement endommagé » par un incendie. Une responsable de l’armée ukrainienne a rapporté que l’équipage n’avait pas pu être évacué, une version là aussi opposée à celle de la Russie. Selon Washington, « il y a eu des victimes, mais il est difficile » d’en connaître le nombre exact.
La perte de ce croiseur et les difficultés non prévues rencontrées par l’armée russe expliqueraient donc la reprise des frappes sur la capitale et pourraient augurer de jours encore plus difficiles si, comme certaines sources ,le prétendent, Vladimir Poutine perdrait son sang-froid. Et cela ne date pas d’hier. Avec l’aide de l’entreprise Risk Management Technologies, le média Nikkei Asia (un magazine et un site web d’informations rigoureuses sur l’Asie) a examiné 1 heure et 19 minutes d’échantillons de voix de Vladimir Poutine, enregistrés entre le 1er février et le 18 mars. L’analyse révèle que son taux de stress semble avoir commencé à augmenter quelques jours avant l’invasion de l’Ukraine (le 24 février), puis de manière brutale lors du durcissement des sanctions économiques début mars. Des changements d’état psychologique peuvent affecter les cordes vocales, altérer la voix, et permettre d’analyser des comportements difficiles à cerner avec une simple analyse gestuelle. Comme base de données de référence, les analystes ont utilisé une intervention de Vladimir Poutine à l’Assemblée générale de l’ONU en 2020. À partir de cet outil de comparaison, ils se sont aperçus qu’un changement significatif avait eu lieu trois jours avant l’invasion, lors d’une réunion du Conseil de sécurité de la fédération de Russie.
L’inquiétude, la colère du Kremlin se manifeste aussi dans cette décision d’interdire l’entrée de la Russie au premier ministre britannique Boris Johnson. Moscou considère le Royaume-Uni comme l’un des acteurs internationaux les plus impliqués dans les efforts visant à soutenir militairement l’Ukraine et à isoler la Russie économiquement et politiquement.
Comme à son habitude, le président ukrainien Volodymyr Zelensky s’est adressé aux Occidentaux par un message vidéo. « Vous pouvez rendre la guerre bien plus courte. Plus vite et en plus grande quantité nous recevrons les armes que nous avons demandées, plus forte sera notre position et plus vite la paix viendra », a-t-il lancé.
Le 20 avril
Hennadi Korban, vice-gouverneur de Dnipropetrovsk chargé des questions de sécurité, est l’une des personnes les mieux informées d’Ukraine. Ancien bras droit du milliardaire Ihor Kolomoïski, cet homme de 51 ans, à l’air sévère mais non dénué d’humour, a reçu Le Monde dans son bureau de Dnipro. Extraits de ce qu’il a dit : « L’offensive russe ne donne pour l’instant pas de résultat. Leurs forces se sont redéployées dans l’est de l’Ukraine mais sans succès, ni au nord ni au sud de la tenaille. Mais la grande offensive va démarrer après le 20 avril. Leur objectif est d’anéantir l’Etat ukrainien, mais ils n’ont pas les forces nécessaires. C’est pour cette raison qu’ils se sont fixé des objectifs plus modestes, consistant à conquérir la totalité du Donbass (…) Je pense qu’ils n’ont plus beaucoup de missiles Kalibr [le plus récent des missiles de croisière russe], mais ils ont encore énormément de missiles de longue portée, de croisière ou balistiques. Je n’ai pas d’informations précises, mais ils en ont des milliers. Les Américains et les Britanniques nous donnent suffisamment d’informations. Dans ce domaine, en revanche, les Français n’aident pas (…) S’ils n’obtiennent pas de succès sur le terrain, c’est au niveau des armements que ça pèche. Je pense qu’ils ont beaucoup volé dans leurs stocks d’armes. C’est de la corruption, du pillage en interne. C’est pourquoi il existe une telle différence entre les objectifs et leur réalisation.