De concessions en compromis, le Premier ministre français a réussi son pari de faire adopter le projet de financement de la Sécurité sociale. Il salue une « majorité de responsabilité », mais de l’avis de tous, parlementaires comme commentateurs, le texte voté, qui va revenir à l’Assemblée après son passage au Sénat, ne satisfait personne. Au mieux, il est qualifié de « passable »,au pire d’ « exécrable », de “honteux”, de “dépensier” alors qu’au départ, il proposait des économies.
Plus que le texte voté, c’est la recomposition politique qui retient l’attention. La droite comme la gauche et le socle macroniste se sont divisés, des députés ont voté contre leurs convictions, mais, argumentent-ils, poussés par la nécessité d’avoir un budget et le souci de stabilité.
Chez les Républicains, le match Retailleau-Wauquiez a repris à l’avantage de ce dernier dont 18 députés ont voté pour, sauvant ainsi Lecornu. Pourtant, ils ne supportaient pas la suspension de la réforme des retraites… Dans le camp réputé macroniste, Edouard Philippe qui avait appelé ses députés Horizons à s’abstenir afin de montrer son indépendance, n’a pas été totalement suivi.
Du côté de la gauche, on a eu une nouvelle confirmation de la fin du Nouveau Front Populaire. Si Les Insoumis se sont opposés, les socialistes ont fait bande à part et participé au sauvetage du Premier ministre, arguant qu’ils avaient obtenu des concessions au profit de leurs électeurs. Ils ont même convaincu des écologistes de les suivre…
Lecornu a donc marqué un point. Sa méthode de compromis a marché, mais l’obstacle du budget général qu’il espère faire approuver avant la fin de l’année, sera nettement plus dur à franchir. La recomposition politique observée tiendra-t-elle ?
Un élément nouveau, pas directement lié aux débats parlementaires, pourrait peser : Sarkozy. Le « prisonnier », dans son livre et dans une interview accordée au Point, semble bien donner un coup de pouce au Rassemblement national vers lequel lorgnerait quelques Républicains, d’ailleurs courtisés par Bardella, le nouvel ami de l’ancien président. Dans son livre, Sarkozy écrit: que «le chemin de reconstruction de la droite ne pourra passer que par l’esprit de rassemblement le plus large possible, sans exclusivisme et sans anathème. ». A Franz-Olivier Giesbert, du Point, il confie que « nous sommes à la veille d’un changement de régime » et assure que « la France est en danger, on piétine son identité, et ses racines judéo-chrétiennes ».Il prend parti pour le président de RN, bien plus rassembleur que la fille de Le Pen, plus traditionnaliste. Il avoue : «Quand j’ai rencontré Jordan Bardella, il m’a un peu fait penser au RPR au temps de Chirac. Son discours n’est pas très différent du nôtre à l’époque».
Le rassemblement national a donc le vent en poupe. Un sondage Elabe pour BFMTV révèle que deux Français sur trois sont favorables à un barrage contre La France insoumise lors des prochaines élections municipales alors que 49% des Français approuvent un barrage anti-RN lors de nouvelles élections législatives. Cependant, chez les jeunes de 18 à 24 ans, cette proportion atteint 60%.
Budget de l’Etat, élections municipales… La recomposition politique est en marche, mais rien n’est joué. Il faudra sans doute attendre la présidentielle de 2027.
