Régulièrement, les décisions controversées du président Saied sont relevées par la presse française qui n’hésite pas à dénoncer la répression menée contre l’opposition. Le lourd verdict dans « l’affaire du complot » puis l’arrestation de l’avocat Ayachi Hammami, de la militante Chaïma Issa et de l’opposant « historique » Ahmed Nejib Chebbi ne sont pas passés inaperçus.
Les quotidiens régionaux commentent peu et se contentent de donner les informations en précisant, comme les journaux du premier groupe de presse, Ebra, que la répression continue. Ouest France, le plus fort tirage, souligne que depuis le coup de force du président Kaïs Saïed fin juillet 2021, des ONG tunisiennes et étrangères déplorent un recul des droits et des libertés en Tunisie, berceau du Printemps arabe en 2011 et rapporte que l’avocat Amine Bouker a déclaré à l’AFP que « la scène politique est devenue effrayante ».
La Croix ajoute que des dizaines d’opposants, avocats, journalistes ou travailleurs humanitaires sont détenus pour des accusations de complot contre l’État ou en vertu d’un décret sur les fausses informations. Ce décret-loi 54, regrette la presse, est utilisé avant tout pour poursuivre toute critique du pouvoir et des autorités publiques.
A la mi-novembre, Charlie Hebdo affirmait que la Tunisie sombre dans la terreur et que ce sont des parodies de procès qui se déroulent.
Le Figaro, qui écrivait en octobre que le président tunisien a remodelé son pays dans un climat de répression généralisée et que la société a été mise au pas, cite l’avocat Samir Dilou qui dénonce un « rouleau compresseur qui vise tout le monde » et Wissem Sghaier, porte-parole du parti Al Joumhouri, qui fustige « une situation sans précédent dans l’histoire moderne de la Tunisie ». Le Monde reproduit également des déclarations critiquant le pouvoir comme celle de l’ONG Human Rights Watch : « Quasiment toute l’opposition tunisienne est désormais en prison ou en exil. Quinze ans après la “révolution de jasmin, c’est comme si la dictature marquait officiellement son retour ».
Le Monde rappelle que vendredi dernier, le président Saïed avait qualifié d’« ingérence flagrante » dans les affaires intérieures du pays une résolution adoptée la veille par le Parlement européen appelant « à la libération (…) des prisonniers politiques ». En recevant son chef de la diplomatie, M. Saïed lui avait demandé de protester auprès des Européens qui « peuvent apprendre des leçons de notre part dans le domaine des droits et libertés ».
Jeudi, a dénoncé une fois de plus « l’héritage lourd » laissé par des politiques antérieures qu’il a qualifiées de « non nationales », estimant qu’elles ont conduit à la détérioration des services publics et à un endettement pesant dont « la population continue de payer le prix ».
Il a aussi fustigé ceux qui, selon lui, « rêvent encore de revenir en arrière » et d’implanter leurs partisans dans l’administration, affirmant que « personne n’est au-dessus de la loi ».
Un président sûr de lui, de sa politique et du soutien de la jeunesse.
Pour Le Monde, Hichem Mechichi, ancien chef de gouvernement, estime que le président présente des signes de fragilité : « Sa principale fragilité, c’est le manque de réalisation concrète. Kaïs Saïed, c’est surtout une voix, du verbe, un son. Mais, sur le terrain, il n’y a rien. Au bout du compte, il sera rattrapé par la réalité économique, la réalité sociale du pays. Les manifestations contre la pollution chimique à Gabès sont un signe. Face à cela, le président déclame des poèmes en arabe classique. La vérité, c’est que la Tunisie s’est isolée sous Kaïs Saïed ».
