Organisée par l’Association tunisienne des membres dans l’ordre des palmes académiques(ATMOPA), une rencontre a réuni, hier 24 mars dans l’agréable cadre de l’Espace Zmorda à la Soukra, un public attentif et intéressé autour de la militante des droits de la minorité noire en Tunisie et fondatrice de l’Association Mnemty, Saadia Mosbah.
Disons-le sans attendre, l’exposé de madame Mosbah intitulé « le racisme en Tunisie : du déni à la reconnaissance », n’a vraiment pas été un moment de plaisir pour les présents. Avec maestria et rigueur et sans jamais se départir d’un calme qui donnait à ses propos une force percutante, la conférencière a fait plonger son auditoire dans les bas-fonds d’une autre Tunisie, insoupçonnée, ordinaire et qui, se cachant derrière des traditions d’un autre âge, fait subir à sa minorité noire les affres de la discrimination raciale.
Présentant un état des lieux aussi exhaustif que précis, la conférencière a fait tomber comme un château de cartes les mauvaises excuses et les faux semblants qui continuent de voiler cette triste vérité ou qui la rendent acceptable : les Tunisiens pratiquent un racisme d’autant plus lamentable que nombre de ses victimes sont innocentes et ne sont pas connues de ceux qui se rendent coupables de tels actes. De vieilles traditions, des lois anachroniques, des croyances d’une autre époque, mais aussi des lois inapplicables car incomplètes, telle la fameuse loi 50 de 2018 votée dans la précipitation, des comportements laxistes des hommes de loi à l’égard des responsables d’actes discriminatoires. L’oratrice a passé en revue les facteurs qui se trouvent derrière la perpétuation, voire l’aggravation avec l’arrivée des subsahariens, de cette situation marquée par un racisme aussi réel que impuni. Elle s’arrête au facteur économique et considère qu’il est à l’origine du cercle vicieux dans lequel la minorité noire est tenue prisonnière.
Obligés de vivre en autarcie dans de nombreuses régions, les noirs tunisiens, quand ils ne sont pas victimes de handicaps dus à la consanguinité, sont amenés à travailler dès l’enfance pour nourrir leur famille, et se trouvent de ce fait privés de scolarité. Quand ils réussissent à décrocher un diplôme, ils subissent un traitement injuste et inégal dans le domaine de l’emploi.
L’école, qu’elle soit publique ou privée, n’est pas en reste et l’on y pratique une discrimination déclarée à l’égard des écoliers noirs. Mme Mosbah en a fait elle-même la douloureuse expérience en tant que jeune mère.
Que faire pour changer cette réalité demandent les participants manifestement émus de savoir que l’esclavagisme que la Tunisie s’enorgueillît d’avoir aboli en 1846, bien avant de grandes nations européennes, n’a fait en fait que se cacher dans la vie quotidienne ?
« Il faut éduquer, sensibiliser, dénoncer, développer et valoriser », répond l’oratrice. Vaste programme ! Pourrait-on lui répliquer. Mais la détermination qu’elle laisse aussitôt apercevoir dit long sur l’engagement de sa génération à faire changer les choses.
Par A.M