A Madagascar, le nouveau président, le colonel Michael Randrianirina a promis une « rupture avec le passé » et des réformes en profondeur. Saluant la « Gen Z » qui est à l’origine de la révolution que vit la grande île, il a dit aux jeunes qu’ « ensemble nous allons réécrire l’histoire du développement de ce pays ».
Lors de la cérémonie d’investiture, on a remarqué que les ambassadeurs américain, britannique, européen, allemand et russe étaient placés un rang devant le Français qui avait reçu l’ordre de Paris de ne pas parler à la presse. Le signe évident d’un malaise…
Les jeunes et d’ailleurs l’ensemble de la population n’ont guère apprécié que le président déchu, Andry Rajoelina, ait été exfiltré à bord d’un avion militaire français. Juste avant, il avait gracié huit détenus dont l’ancien gendarme franco-malgache, Paul Rafanoharana Maillot, 62 ans, détenu depuis août 2021 pour tentative présumée de coup d’Etat. Un autre Français Philippe François, également condamné dans la même affaire, avait aussi été libéré. Pour beaucoup, il s’agirait d’un deal conclu directement avec Macron et les services extérieurs français sans consultation du Quai d’Orsay. L’ancien gendarme, qui n’a pas voulu regagner la France, a confié au journal Le Monde qu’il “considère que les accords passés entre les présidents français et malgache ne me regardent pas. Je ne veux pas être l’instrument d’une négociation douteuse et donner l’impression qu’une fois encore la France est aux manettes à Madagascar”.
Au début de la semaine, c’était le cas pour les manifestants. « Dégage la France », « Dégage Rajoelina et Macron » proclamaient leurs pancartes et un jeune constatait amèrement que « les Français nous colonisent encore alors que nous sommes censés être indépendants ». La diaspora malgache installée à La Réunion réclame des explications : « De quel droit la France s’est-elle autorisé un tel acte d’ingérence dans les affaires intérieures de Madagascar ? ». Christiane Rafidinarivo, politologue et chercheuse associée au centre de recherches politiques Cevipof à Paris souligne que dans la « perception malgache, la France, c’est la colonialité ».
Il est vrai que la France, très présente dans tous les secteurs économiques de l’île, bénéficie des plus gros contrats comme le téléphérique d’Antananarivo ou l’autoroute. Les Malgaches protestent aussi contre la venue de Français attirés par le tourisme sexuel et, dans un autre domaine, contre la multiplication des centres d’appels où les salaires restent très bas, environ 150 euros par mois.
Si l’on ajoute à cela que Rajoelina, arrivé au pouvoir par un coup d’Etat en 2009 et qui possède la nationalité française depuis 2014, a toujours été soutenu par Paris, on comprend pourquoi la grande île se détournerait de Paris et pourrait se rapprocher de Moscou. Des « partenariats stratégiques » ont déjà été évoqués.
Une nouvelle fois, la France est en recul en Afrique. Le journaliste malien Chiencoro Diarra interroge :
“la France sait-elle encore se tenir à distance des crises africaines ?”.