Le ramadan commence et cette année, comme l’an dernier, Pessah arrive début avril. Deux moments qui peuvent générer de la violence. La police israélienne s’est préparée à faire face à des centaines de milliers de Palestiniens qui vont se rendre sur l’esplanade des mosquées où El Aqsa et le dôme du rocher cristallisent toutes les attentes, toutes les craintes. Une étincelle peut provoquer l’embrasement.
Ce ne serait pas la première fois, mais cette année, la situation est différente, éruptive. Depuis plus d’un an, le nombre des morts et blessés augmente dans les deux camps qui s’accusent mutuellement. Le début de cette année est le plus meurtrier depuis 2 000. A Aqaba le 26 février, puis à Charm el Cheikh le 19 mars, négociateurs israéliens et palestiniens ont promis de s’engager sur la voie de la désescalade et de la prévention de nouvelles violences, mais on doute des effets réels sur le terrain.
Un changement majeur est intervenu à partir d’avril 2021 quand la protestation est montée chez les Arabes israéliens, les Palestiniens d’Israël à propos des expulsions de familles du quartier de Jérusalem Cheikh Jarrah avant de s’étendre à tous les territoires occupés puis de provoquer un conflit meurtrier avec le Hamas qui contrôle Gaza.
Ce que l’on a appelé l’intifada de l’unité continue et le retour au pouvoir en Israël de Netanyahu a aggravé les tensions car, dans le but d’éviter une condamnation judiciaire pour corruption, fraude et abus de confiance, il a nommé ministres des suprémacistes juifs racistes et homophobes, Itamar Ben Gvir et Bezalel Smotrich. Avec leurs partisans et d’autres ministres radicaux, ils aimeraient un embrasement qui leur permettrait de régler par la force et définitivement la question palestinienne. Il y a quelques jours, Smotrich, le ministre des Finances qui voulait « anéantir » Huwara, a, en visite privée à Paris, déclaré que « le peuple palestinien est une invention qui a moins de 100 ans. C’est la vérité historique et la vérité biblique. Et cette vérité, les Arabes en Israël doivent l’entendre, elle doit être entendue à l’Elysée et à la Maison Blanche. Pour lui, la terre d’Israël englobe aussi la Jordanie.
Des propos évidemment inentendables qui peuvent allumer le feu. Dans les territoires occupés, les Palestiniens, surtout les jeunes, sont prêts à résister, à essayer, comme le dit une étudiante dans le camp de Jénine que « l’espoir, infime, ne meurt pas ». A la suite d l’intifada unitaire, de nouvelles katiba ont vu le jour comme la brigade de Jénine » ou la « tanière des lions » à Naplouse. Il en existe aussi à Tulkarem ou Jéricho. Non affiliés à un groupe, ne croyant d’ailleurs plus en eux, elles fonctionnent avec les réseaux sociaux dont TikTok, sont armés par le Hamas ou le Djihad islamique, renseignés par le Fatah. Des groupes transpartisans qui recherchent une nouvelle unité dans la lutte.
Ces nouveaux combattants n’ont pas connu la première intifada, celle des pierres de 1987-1988, et à peine la deuxième. Ils disent avoir « été élevés au milieu de cela : chaque jour un raid de l’armée, chaque jour une attaque ». Et, dans la zone C, où se trouvent les bonnes terres, les colons israéliens harcèlent et chassent les fermiers palestiniens. L’armée et la justice ferment les yeux. Déconsidérée, l’Autorité palestinienne, impuissante, ne cherche qu’à durer, qu’à se protéger.
Ces nouveaux résistants ne commettent pas d’attentats, mais attaquent les militaires sur les checkpoints ou partout où ils patrouillent. Un officier de l’AP qui a pris les armes, tiré sans atteindre sa cible puis a été tué, avait laissé une lettre : « On ne peut pas vivre sans dignité. Notre seul espoir, ce sont les loups solitaires. Odai Tamimi qui, en octobre dernier avait tué une soldat à un checkpoint, écrivait, conscient de la situation : « Je sais que je serai tué tôt ou tard et que mon action ne va pas libérer la Palestine. Mais je l’ai menée pour encourager des centaines de jeunes à prendre les armes après moi ». Il a été tué quelques jours plus tard…
Infiniment triste de ne voir de solution que dans la violence, la guerre. Mais qui se soucie du sort des Palestiniens au moment où toute l’attention du monde est occupée par l’Ukraine, l’Iran l’inflation et les bouleversements géostratégiques qui dessinent un autre monde ?