La dégradation de la note de la Tunisie attribuée récemment par l’agence de notation Fitch Rating, de ‘B’ à ‘B-, n’a pas surpris outre mesure, les pouvoirs publics en premier lieu et les experts financiers qui suivent de très près la situation économique dans le pays, en particulier. Ce sévère verdict pourtant redouté mais attendu a été rendu inévitable par les évolutions défavorables en cascade que le pays a connues.
Manifestement, la Tunisie paie, encore une fois, cash son interminable instabilité politique, son inaction, son incapacité à mener les réformes et à fournir des gages qui pourraient renforcer la confiance de ses partenaires. Dans tous les cas de figure, cet avertissement grave devrait être un bon argument pour pousser ceux qui veillent à la destinée du pays à sortir de leur torpeur, de leur somnolence et du type de gouvernance qu’ils ont choisi à l’envers et contre tous.
La Tunisie se trouve du coup, une fois de plus, devant le fait accompli, acculée à des arbitrages difficiles et particulièrement douloureux. Se trouvant à la croisée des chemins, fortement ébranlée par une crise sanitaire sans précédent, des difficultés économiques et financières insolubles et des tensions sociales récurrentes, elle est obligée à faire des choix de rupture, à changer de cap.
Cela est d’autant plus plausible, que le pays est en train de payer un lourd tribut de toutes les improvisations, les rafistolages et les approximations érigés en règle de conduite. Face aux urgences, on s’est contenté d’expédients, des mesurettes, de saupoudrage au moment où le contexte exige une action tous azimuts, un engagement sans faille et des stratégies claires et cohérentes. En plus de l’inaptitude, c’est la peur qui habite nos dirigeants d’affronter une réalité complexe, de prendre des mesures courageuses et d’assumer le rôle qui leur est imparti. Alors que le temps nous est compté, on a pris le pli de perdre du temps, beaucoup de temps, dans des polémiques stériles, des mauvais calculs qui nous ont fait rater toutes les opportunités et toutes les pistes de sortie de crise.
On ne réforme pas, mais on achète la paix sociale. On n’anticipe pas, mais on laisse le mal gangrener tout l’appareil productif. L’indécision et l’hésitation ont fini par prévaloir en tant que méthode de gouvernance et de gestion des affaires publiques.
En arrivant à un point de non-retour, peut-on légitimement changer de cap, voire ceux qui nous gouvernent prendre la ferme résolution de mettre de côté leurs différends en accordant leurs violons et mobiliser toutes les forces vives de la nation pour sauver le pays d’un naufrage catastrophique ?
Si dans le contexte actuel, il n’existe pas encore un remède possible à l’instabilité politique, il y a une extrême urgence d’engager des réformes structurelles essentielles pour relancer l’économie du pays.
Cela requiert, à n’en point douter de ne plus agir sur le court terme et de recourir aux solutions de facilité à l’origine des grands maux dont souffre le système productif et qui risquent à tout moment de précipiter la ruine des entreprises publiques et de rendre la dette publique insolvable.
Changer de cap, parce que le pays n’aura plus la possibilité de recourir au marché financier pour mobiliser des ressources de plus en plus rares et coûteuses, devrait satisfaire à des exigences difficiles pour pouvoir postuler à des financements dans le cadre multilatéral, notamment du FMI et des autres bailleurs de fonds internationaux et savoir actionner une diplomatie intelligente pour profiter de financements avantageux sur le plan bilatéral.
Dans le contexte actuel, la Tunisie a besoin d’une stratégie budgétaire et d’une gestion de la dette à moyen terme crédibles et clairement communiquées. Avec une marge de manœuvre budgétaire réduite, voire inexistante, le pays se trouve dans l’obligation de lancer des plans d’assainissement favorables à la croissance et d’atténuer de manière proactive tout risque d’assèchement du marché aux acteurs privés.
Pour l’heure, ce changement de cap relève du vœu pieu. D’abord, nos décideurs peinent encore à rassurer et à émettre un message clair sur leur propension à stabiliser la situation politique. Ensuite, les réformes proposées par le gouvernement s’inscrivent dans la même logique qui consiste à gérer au plus pressé. Enfin, sur le plan social, l’UGTT fait tout pour imposer sa loi et son omnipotence. En témoigne la qualité du projet de loi de finances complémentaire 2021 présenté par le gouvernement, qui consacre une certaine fuite avant, une incapacité notoire à présenter des alternatives sérieuses pour mettre un terme à l’inertie et au court termisme.