
Par Naoufel BEN AISSA
Nejib Belhedi vient de nous quitter. Ainsi, Il a franchi le pas et passé à l’au-delà. Ce n’est qu’un au revoir car sur le pont, un jour ou l’autre, chacun d’entre nous passera de l’autre côté. La seule différence est de savoir quel héritage laissera-t-on et avec quels bagages partira-t-on ?
Époux de l’icône de la radio tunisienne Donia Chaouch et père de Maya, natif de l’île de Jerba, Nejib Belhedi a choisi d’être musicien contrebassiste et réalisateur. C’est en tant quel tel qu’il a intégré l’Établissement de la télévision tunisienne et gravi tous les échelons pour finir réalisateur attitré. Parmi ses réalisations les plus réussies : « Majaless attarab », une série où différents chanteurs connus et reconnus ont interprété dans un décor idyllique des chefs d’œuvres du patrimoine musical arabes. « L’instrumental » et les improvisations instrumentales y ont aussi été prévues. Avec « Majaless attarab », Nejib Belhedi a réussi ce qu’aucun n’a réalisé en Tunisie pour l’art musical arabe et tunisien jusque-là…. et jusqu’à maintenant.
Contrebassiste chevronné, il a commencé très tôt. Après le Conservatoire, il a intégré l’Orchestre Symphonique Tunisien dirigé par Jean Paul Nicolet d’abord et Ahmed Achour ensuite. Par ailleurs, il a eu la chance et l’honneur de jouer sous les baguettes des ténors du maestria musical en Tunisie dont Mohamed Saada et Abdelhamid Belaljia à la Rachidia. Sous la direction de ce dernier, il a joué dans tous les galas produits par des stars de la chanson tunisienne à l’instar de Amina Fakhet et Sofia Sadok.
De même, il était constamment sur scène pour accompagner des stars de la chanson arabe venues se produire chez nous comme Sabah Fakhri. Nejib Belhedi fut incontournable et contrebassiste attitré auprès de la plupart des chanteurs d’envergure dont en particulier Lotfi Bouchnak, Leila Hjaiej et Zied Gharsa. Suite au départ de ce dernier de la Rachidia que Nejib Belhedi met fin depuis une décennie à son appartenance à l’Orchestre de la prestigieuse association qui n’est plus que l’ombre de ce qu’elle était. De même, il a quitté la Troupe Nationale de Musique deux décennies avant quand il ne s’y sentait plus chez lui car il fut de ses instrumentistes fondateurs depuis sa création sous la direction de Ezzeddine Ayachi et Fethi Zeghounda. Comme quand on a le sens de l’honneur, « il faut quitter la table quand l’amour est desservi ». C’est ce qu’il a toujours fait.
J’ai connu Nejib Belhedi par l’intermédiaire de mon père qu’il appelait affectueusement « Si Abdessatar » et mon oncle paternel Moncef (tous deux violoncellistes), son ami intime. C’est suite à une tournée de Abderrahmane Ayadi accompagné par de jeunes chanteurs à l’époque – dont Dhikra Mohamed, Karim Chouayb et Mounir Mehdi – que j’ai eu le plaisir de me retrouver avec Nejib sur scène.
Ensuite, la Rachidia, l’Orchestre Symphonique Tunisien et les concerts de Zied Gharsa nous ont réunis. Depuis, Nejib m’a accompagné dans toutes mes représentations et participé à l’enregistrement de toutes les œuvres que j’ai composé. En réalité, c’est surtout l’amitié qui nous a lié et le fait de se ressembler en un point : « avoir le courage de ses opinions ».
Faut-il rappeler que Nejib qui s’est imposé par son mérite, son talent et son charisme était dérangeant pour certains car il ne se laissait pas faire. Il refusait qu’on traite les musiciens en « mercenaires ». Hélas, c’est toujours le cas puisque les droits des musiciens sont toujours bafoués au même titre que les droits d’auteurs et l’État continue à faire comme si ça ne faisait pas partie des « affaires culturelles »! Peut-être qu’à l’au-delà tu trouveras chère Nejib Belhedi ce pourquoi nous avons toujours « dérangé ».
Repose en paix mon cher.