José « Pepe » Mujica, l’ancien guérillero qui a gouverné l’Uruguay de 2010 à 2015, anticonsumériste au verbe haut et figure de la gauche latino-américaine, est décédé ce mardi 13 mai à l’âge de 89 ans, a annoncé l’actuel président Yamandu Orsi.
« C’est avec une profonde douleur que nous annonçons que notre camarade Pepe Mujica est décédé. Président, militant, référent et guide. Tu vas beaucoup nous manquer, cher vieux », a écrit Yamandu Orsi sur le réseau social X. Surnommé le « président le plus pauvre du monde », Pepe Mujica avait révélé en début d’année que son cancer de l’œsophage diagnostiqué en mai 2024 s’était propagé et que son corps vieillissant ne supportait plus les traitements.
José Mujica, dit « Pepe », était devenu célèbre dans le monde entier pour son refus des conventions à l’époque où il dirigeait l’Uruguay (2010-2015). Ce chantre de la frugalité, qui se disait « philosophiquement stoïcien », conduisait lui-même sa vieille Coccinelle et avait refusé de vivre dans la résidence présidentielle, préférant sa modeste ferme des environs de Montevideo. Il devait sa popularité à sa personnalité et à son verbe spontané, sans langue de bois et souvent polémique.
Promoteur de mesures progressistes pour l’Amérique latine, comme la légalisation du cannabis – une première mondiale en 2013 –, l’avortement et le mariage homosexuel, Pepe Mujica avait été surnommé reversait la quasi-totalité de ses revenus à un programme de logement social.
Mais dans le petit pays sud-américain de 3,4 millions d’habitants, ce président rond et moustachu a laissé une image plus contrastée. Ses résultats macroéconomiques ont suscité la critique : le pays a vu le déficit budgétaire s’alourdir et l’inflation grimper. Il a aussi laissé en héritage d’importants dossiers non résolus, comme la sécurité, l’amélioration des infrastructures, la santé ou l’éducation.
À l’inverse, ses partisans saluent une politique qui a permis de créer des emplois, une baisse des inégalités et une hausse du niveau des revenus.
Souffrant d’une maladie immunitaire, c’est la pandémie de coronavirus qui l’avait finalement « jeté dehors » et forcé à renoncer, en octobre 2020, à son unique mandat de sénateur, décroché en début d’année. « La seule chose permanente dans la vie, c’est le changement, avait-il dit lors de son discours de démission. La vie s’en va, c’est inévitable, mais les causes, elles, demeurent. »
« Le guerrier a droit à son repos »
Pepe Mujica fut, dans les années 1960, l’un des fondateurs de la guérilla d’extrême-gauche des Tupamaros. Blessé par balles en 1970, il fut emprisonné toute la durée de la dictature (1973-1985). Placé à l’isolement, il fut torturé.
S’il n’a jamais caché sa « sympathie » pour le défunt président vénézuélien Hugo Chavez (1999-2013), ancien chef de file de la gauche antilibérale latino-américaine, il se comparait plus volontiers au président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva (2003-2011) et réélu en 2022.
L’ex-président était marié avec Lucia Topolansky, rencontrée dans « la lutte clandestine » avant l’avènement de la dictature. « Le plus grand succès de ma vie », dira-t-il de sa compagne de toujours. Sénatrice, elle fut de septembre 2017 à mars 2020 vice-présidente d’Uruguay. Lucia Topolansky et Pepe Mujica n’ont pas eu d’enfants.
Début janvier, dans l’une de ses dernières interviews, après avoir fait campagne à 89 ans pour le retour de la gauche au pouvoir avec l’élection de Yamadu Orsi, Pepe Mujica déclarait : « Mon cycle est terminé. Clairement, je suis en train de mourir. Le guerrier a droit à son repos. » Il a demandé à être enterré dans son jardin, sous un arbre qu’il a planté, aux côtés de sa chienne Manuela.