
Par Sayda BEN ZINEB
Une nouvelle saison culturelle commence en force pour l’Institut Goethe et promet à nouveau d’émouvoir, surprendre et stimuler le public fidèle de l’Institution allemande à Tunis, avec un large éventail d’activités artistiques.
Dimanche dernier (17 septembre), le public a été invité à découvrir le travail en cours de deux jeunes danseuses de tango, la Tunisienne Fatma Oussaifi et l’Allemande Rosalie Wanka lors d’une performance insolite opérée par un spectacle au cœur des espaces animés de la ville de Mahdia, devant un public curieux et solidaire.
Tel était l’objectif des deux danseuses qui voulaient expérimenter les connotations, l’acceptation et la réaction par rapport au corps féminin dans l’espace public dans de différents contextes culturels. Le tango argentin est utilisé ici comme un outil de provocation dans une expérience interculturelle. En s’exposant dans une performance de tango dans l’espace public d’abord en Tunisie puis en Allemagne, les jeunes danseuses veulent démontrer comment le corps féminin, les couples de même sexe et la libre expression artistique sont perçus dans ces différents environnements. Selon nos interlocutrices, « l’espace scénique de ce projet est choisi dans un lieu où les hommes se rassemblent généralement ; la rue en tant qu’espace public dans les pays arabes est souvent occupée par la gent masculine… »


Interactions entre deux corps, deux cultures
Danseuse et professeur de tango, Fatma Oussaifi a fondé en 2013 Résidencetango. Elle considère la danse comme un produit physique et culturel. Son travail s’étend du corps physique au corps social, l’axe fondamental de toute danse sociale. Le tango argentin est plus qu’une danse, il aborde des questions de genre hautement politiques et d’une actualité brûlante.
Après un mémoire de Master sur «Tango et politique argentine entre propagande, censure et instrumentalisation », de multiples expériences scéniques en Tunisie et en France puis en Jordanie, en Europe et à la Réunion, Fatma codirige son premier spectacle « Tango et pas perdus » à Paris en 2014. En 2021, elle crée avec le chanteur français Fred Metayer « Booma », une association dont le but est de faciliter les échanges culturels entre les deux rives de la Méditerranée.
Pour l’Allemande Rosalie Wanka, spécialiste du tango argentin, sa principale fascination réside dans l’observation des relations intra-humaines au-delà des mots et des conventions socioculturelles. «Dans ma pratique artistique, explique t –elle, je travaille beaucoup avec l’improvisation, qui me semble être la « technique de la vie », car tous nos outils et compétences techniques sont inutiles si nous ne pouvons pas les appliquer spontanément et les utiliser à notre avantage dans une situation ou un contexte donné…Cela m’a conduit à de nombreuses coopérations interculturelles et interdisciplinaires, en étudiant toujours les interactions entre deux parties différentes (interactions entre des corps de cultures différentes, mouvement et son, mouvement et arts visuels…), car je considère que la friction créée par les différences est une source incroyable de potentiel et d’innovation… ».
A Tunis ou à Munich, l’expérience « Views from the voyeur » est discutée dans le cadre d’une projection publique de la documentation et de la performance. Lors de la dernière rencontre à l’Institut Goethe, le débat qui a suivi la projection a été mené de main de maître, par Haithem Haouel que nous remercions vivement.