
Par Naoufel Ben Aissa
Le 26 Mars 2022 à la Cité de la Culture de Tunis, la salle de l’Opéra pleine, l’ambiance agréable et l’organisation irréprochable, Yo-Yo, son violoncelle en main, entre en scène -avec 20 mn de retard, le temps de laisser « les officiels » s’installer- pour interpréter les six suites pour violoncelle seul de Jean Sébastien Bach (1685-1750). Une première en Tunisie.
Durant deux siècles, ces suites n’ont pas connu de succès particulier. C’est Pablo Casals (1876-1973) qui y découvre un potentiel à faire valoir et en fait des œuvres pour violoncelle solo que seuls les concertistes savent réussir.
Paul Tortellier (1914-1990), l’illustre professeur de violoncelle au Conservatoire Supérieur de Musique de Paris, leur consacre pratiquement sa vie pour mettre les doigtés et trouver les coups d’archets appropriés à l’optimisation de la technique requise pour une meilleure interprétation possible. Ce fût en quelques sortes, l’œuvre de sa vie.
Avec Yo-Yo Ma à l’œuvre, on a rendez vous avec le lyrisme, la vélocité, la volupté et la virtuosité. On s’imprègne aussi -et surtout- de la justesse du « tempérament égal », trouvaille légendaire du compositeur. Et comment ! N’est-il pas l’auteur de « l’œuvre culte » pour clavier bien tempéré ? Depuis, c’est toute la grammaire musicale occidentale qui a changé. A ce titre, Robert Schumann (1810 – 1856) a écrit « La musique doit à Jean-Sébastien Bach autant qu’une religion à son fondateur ». Ainsi, on reconnaît un génie: avant et après, ce n’est plus pareil. Bach en est dans la mesure où il a marqué son époque et laissé une empreinte musicale indéniable.
Au vingtième siècle, ses six suites sont devenues des oeuvres incontournables du répertoire du violoncelle grâce à des virtuoses qui ont su donner de la grandeur à la dimension. Le catalan Pau Casals, le français Paul Tortellier, le russe Mstislav Rostropovitch (1927-2007) et Yo-Yo Ma, l’américain d’origine chinoise né à Paris en 1955, en sont des exemples. De nationalités et de cultures différentes, en interprétant les suites, ils se fondent en Bach, seulement chacun à sa manière. C’est le génie de la musique.
Un musicien est en fait un être autrement, sinon, ce n’est qu’un technicien de la musique et c’est très différent.
A la Cité de la Culture de Tunis, Yo-Yo Ma s’est présenté au public -modestement- en disant: « je suis artisan. Vous voyez je travaille avec mes mains, …. mon coeur et mon esprit ». Comme quoi, pour gagner le statut qui est le sien, il ne suffit pas de maîtriser le jeu de l’instrument et d’avoir des mains habiles, il faut aussi – et surtout- avoir un cœur et un esprit.