Dans ce climat délétère où nos responsables politiques toutes tendances confondues nous retiennent prisonniers depuis les dernières élections voilà bientôt deux ans, et où la rancœur le dispute de plus en plus à la violence malgré une pandémie dévastatrice qui dût mériter plus de compréhension et d’union de la part des tenants du pouvoir ; dans cette ambiance franchement lugubre et désespérante, deux gestes, soudain. Deux beaux gestes. Deux gestes modestes mais ô combien frais, vivifiants et porteurs d’espoir. Deux gestes qui ont répondu chacun à leur façon à l’appel de détresse de notre pays frappé par la Covid-19.
Le premier revient à championne internationale de tennis, Ons Jabeur. Elle a mis sa raquette en vente aux enchères et recueilli 35 mille dinars qu’elle a versés au fonds destiné à soutenir l’effort de l’Etat dans la lutte contre le virus ravageur.
La somme est modeste, et il y a dans ce pays qui pourraient s’ils le voulaient donner infiniment beaucoup plus que la joueuse de tennis. Mais la contribution de notre championne restera de toute façon inégalable. Parce qu’elle a cette valeur hautement symbolique qui tient elle-même de la valeur de la donneuse, à son mérite de championne à sa classe et à sa stature internationales, mais aussi à ses qualités morales de courage , de vaillance et de générosité. Le geste de Ons jabeur est le signe éloquent d’une grande maturité culturelle et de civilisation.
Le second geste émane de la Mauritanie, pays frère, et il est surprenant et réconfortant.
En effet, se joignant à ceux qui ont répondu à l’appel, la Mauritanie a envoyé un cargo contenant quelques équipements médicaux et…15 tonnes de poissons. Chacun donne ce qu’il a dans le cœur et la Mauritanie, pays pauvre, a prouvé là son infinie richesse et la grandeur d’âme qui caractérise son peuple et ses dirigeants. Ce don dépasse ici aussi sa valeur matérielle, il se veut une offrande au meilleur qui existe entre les deux peuples, c’est-à-dire cette fraternité qui plonge ses racines dans l’histoire immémoriale aussi bien que récente, et qui rappelle dans le même temps la communauté d’un destin maghrébin.
Des poissons? Mais c’est évident: car c’est d’abord la première richesse de la Mauritanie, mais c’est également une délicate pensée d’un peuple réputé pour son sens poétique et qui sait la valeur symbolique, ici aussi, que représente le poisson pour les Tunisiens, synonyme de bon augure et chasseur du mauvais œil.
La Tunisie n’a jamais failli à ses obligations de voler à l’aide ,chaque fois que nécessaire au secours des autres pays, frères ou amis, touchés par l’adversité. Il est donc logique qu’elle puisse aujourd’hui rencontrer une telle solidarité. Dans ce mouvement compatissant les gestes de Ons Jabeur et du gouvernement mauritanien resteront cependant gravés dans la mémoire des Tunisiens. Car ce sont des gestes pleins de spontanéité, authentiques et sans calculs.