L’ancienne direction de l’agence de surveillance des frontières Frontex avait connaissance des renvois illégaux de migrants en Grèce et aurait même co-financé des refoulements, selon un rapport accablant dont Der Spiegel publie ce jeudi des extraits. Frontex était au courant très tôt de ces renvois illégaux, parfois brutaux, de demandeurs d’asile vers la Turquie, affirme ce rapport encore confidentiel de l’Office européen de la lutte contre la fraude (Olaf), également consulté par le journal Le Monde et le site d’investigation Lighthouse Reports.
« Au lieu d’empêcher les « pushback », l’ancien patron Fabrice Leggeri et ses collaborateurs les ont dissimulés. Ils ont menti au Parlement européen et ont masqué le fait que l’agence a soutenu certains refoulements avec de l’argent des contribuables européens », résume le magazine allemand. Les conclusions des enquêteurs avaient provoqué la démission de Fabrice Leggeri fin avril.
Le rapport dévoile de nombreux détails. Comme quand les garde-côtes grecs ont, le 5 août 2020, traîné un canot pneumatique avec 30 migrants à son bord non vers la Grèce, mais vers la Turquie. Un avion de Frontex qui patrouillait a filmé la scène. Au lieu de s’adresser aux autorités grecques, Frontex a arrêté de faire patrouiller des avions au-dessus de la mer Egée, au motif qu’elle en avait besoin ailleurs. Les enquêteurs citent des témoignages de collaborateurs de Frontex mettant en cause M. Leggeri pour avoir fermé les yeux sur ces actes illégaux. Et ils ont trouvé une note écrite évoquant le retrait des avions de surveillance « pour ne pas être témoin ». L’Olaf rapporte aussi qu’au moins six bateaux grecs, cofinancés par Frontex, auraient été impliqués dans plus d’une dizaine de refoulements entre avril et décembre 2020, ce que l’ancien directeur a toujours rejeté.