En Somalie, “ils n’ont rien, ils ne font que s’entre-tuer”, s’est emporté Donald Trump lors d’une réunion de son gouvernement ce mardi 2 décembre. “Leur pays ne vaut rien (…). Leur pays est pourri, et nous ne voulons pas d’eux chez nous”, a-t-il ajouté, avant d’affirmer que les États-Unis feraient “le mauvais choix [s’ils] continu[ent] à accueillir des déchets”. Pour lui, les Américains d’origine somalienne “ne contribuent en rien” à la prospérité des États-Unis.
Ces propos insultants ont été tenus alors que l’administration Trump multiplie ses mesures anti-immigration, d’autant plus depuis que deux membres de la garde nationale ont été attaqués par un suspect afghan le 26 novembre dernier. Cela a valu à l’Afghanistan d’être prise pour cible par le président américain. Mais alors que la Somalie n’est pas associée à cet incident, elle aussi a fait l’objet d’attaques particulièrement virulentes de la part de la Maison-Blanche.
Ilhan Omar: la bête noire de Trump
Ce n’est pas la première fois que Donald Trump s’en prend à ce pays pauvre de la Corne de l’Afrique, divisé par une guerre civile depuis 1991. Selon CNN, les raisons sont en partie liées à la politique intérieure des États-Unis. En 2018, une démocrate née en Somalie et arrivée aux États-Unis alors qu’elle n’était qu’une enfant, Ilhan Omar, a été élue dans un État parfois qualifié de “swing state” (État-pivot), le Minnesota. Depuis, elle est devenue une des principales critiques de l’administration Trump, et les contrattaques sont acerbes.
Encore ce mardi, le président a directement dénigré la démocrate: “Ilhan Omar est une ordure. Ses amis sont des ordures. Qu’ils retournent d’où ils viennent et qu’ils règlent leurs problèmes”. “Son obsession pour moi est effrayante”, a répliqué l’élue sur X. “J’espère qu’il va pouvoir recevoir l’aide [psychologique] dont il a désespérément besoin.”
Le Minnesota dans le viseur
La communauté somalienne du Minnesota est d’autant plus visée par les républicains du fait des spécificités de la politique locale. Depuis le début de la guerre civile en 1991, le Minnesota est devenu leur refuge. Ils bénéficient d’un statut de protection temporaire et 13.582 réfugiés somaliens ont continué à arriver entre 2005 et 2018, selon le Département des Services sociaux du Minnesota. Ceux qui ont le droit de vote donnent le plus souvent leurs voix aux démocrates.
Ce modèle entre en totale contradiction avec la politique de l’administration Trump. En juin dernier, le gouvernement a édicté des interdictions d’entrée aux États-Unis ou des restrictions de visas pour 19 pays, dont la Somalie. Ce lundi, la ministre de la sécurité intérieure, Kristi Noem, a recommandé au président de renforcer les sanctions contre les Somaliens avec “une interdiction d’entrée totale pour les ressortissants de chaque satané pays qui a inondé notre nation de meurtriers, de sangsues et d’accros aux aides sociales”.
Des opérations de la police américaine de l’immigration (ICE) seraient prévues contre les sans-papiers somaliens dans les villes jumelles de Minneapolis et Saint Paul, qui font figure de principaux lieux d’implantation de cette communauté dans le Minnesota. Les maires de ces deux villes, qui sont l’un et l’autre démocrates, ont déclaré vouloir résister à cette offensive fédérale. “Nous ne transigerons pas sur nos valeurs”, a déclaré le maire de Minneapolis, Jacob Frey.
En 2026, lors des élections de mi-mandat, tous les sièges pour le Congrès américain seront remis en jeu. Pour l’instant, les démocrates sont à la tête des deux sièges de sénateurs et de quatre des huit postes de représentants à la Chambre.
Des frappes en Somalie avec un objectif flou
En parallèle de ce conflit interne aux États-Unis, l’administration Trump a intensifié ses frappes contre les djihadistes de l’État islamique en Somalie, qui sont notamment installés dans les Monts Golis, au nord du pays, ainsi que contre les shebabs, une organisation islamiste armée.
Les experts interrogés par Al-Jazeera ont émis plusieurs hypothèses pour expliquer ces frappes: la perte de territoires par le gouvernement somalien face à ces deux groupes, le risque d’exportation d’individus terroristes, la volonté de se démarquer de la relative passivité des administrations démocrates en Somalie, etc. Ils sont cependant d’accord sur un point: si le but de ces frappes est de contribuer à la fin de la guerre civile dans le pays, cela ne fonctionne pas, car cela peut au contraire exacerber les tensions, surtout au vu des victimes civiles.
L’objectif de Donald Trump pourrait donc être ailleurs. En tout cas, ces experts notent que le sujet fait l’objet d’intenses débats à la Maison-Blanche, certains étant pour continuer ces frappes, d’autres pour se concentrer sur d’autres problématiques à l’international.