« Les talibans ne contrôlent pas tout le territoire de l’Afghanistan. Des informations arrivent sur la situation dans la vallée du Panshir, au nord-est de Kaboul, » où se concentrent les forces de la résistance du vice-président Saleh et d’Ahmad Massoud », a déclaré le chef de la diplomatie russe Serguei Lavrov lors d’une conférence de presse à Moscou. A la tête d’une milice qui compterait 20 000 hommes et que rejoindraient des soldats « dégoûtés » par l’arme qui ne s’est pas battue et des forces spéciales, le fils du célèbre commandant multiplie les appels à la résistance, à l’aide des démocraties occidentales et réclame des armes, des munitions et du matériel aux Etats-Unis. « L’Amérique peut encore être un grand arsenal pour la démocratie » en soutenant ses combattants moudjahidines « qui sont à nouveau prêts à affronter les talibans », assure-t-il. De sa vallée du Panchir, il affirme pouvoir mener le « combat pour la liberté ».
Son père avait repoussé sept attaques soviétiques et mis en déroute les talibans en août 1999 avant d’atteindre Kaboul avec ses troupes. Son fils peut-il en faire autant? La question n’est pas vraiment là. Elle est plutôt de savoir s’il est utile pour les Afghans de se lancer dans une nouvelle et longue guerre? Ahmad Massoud le sait et s’il montre sa force, s’il veut armer son « Front pour la résistance », c’est aussi pour être en position de pouvoir tenir tête aux talibans avec qui il aurait déjà entamé des discussions. La diplomatie et non la guerre.
L’époque du « lion du Panchir » est révolue et il n’est pas du tout certain qu’Ahmad Massoud, animé d’intentions louables mais sans le charisme de son père, trouve autant de soutiens que lui. L’image du « héros » passe mieux en Occident qu’en Afghanistan où certains n’ont pas oublié que ses Tadjiks avaient aussi massacré -notamment des Hazaras chiites -, pillé et détruit des quartiers de Kaboul. Ses relations avec les Pachtounes, l’ethnie majoritaire d’où viennent les talibans, et les Ouzbeks du maréchal Dostom ne sont pas excellentes…
S’il est interdit de se résigner, urgent et nécessaire de résister, d’empêcher les talibans de revenir à leurs pratiques d’antan -ils ont commencé- , la voie d’une nouvelle guerre civile n’est pas forcément la meilleure. Des experts, des spécialistes de l’Afghanistan doutent d’ailleurs de la capacité d’Ahmad Massoud à réunir et à conduire une armée face aux talibans suréquipés. Et ils notent qu’ Amrullah Saleh qui se tient à ses côtés n’est guère aimé des Afghans même s’il a combattu avec le commandant Massoud.
Aujourd’hui, Ahmad Massoud en est certain: « sous les talibans, l’Afghanistan deviendra sans nul doute une base du terrorisme radical islamiste, des complots contre les démocraties seront à nouveau ourdis ici ». Aux Etats-Unis et en Europe, les dirigeants le soupçonnent aussi mais préfèrent juger sur pièces. Joe Biden a prévenu qu’il mènera des actions antiterroristes si nécessaire ». Si nécessaire aussi, il armerait le « Front pour la résistance ». Le moment ne semble pas venu de replonger l’Afghanistan dans la guerre. Il existe, avant les armes, d’autres moyens, financiers, économiques et diplomatiques. Pékin regarde avec plaisir les déboires américains mais pourrait travailler avec Washington pour un « atterrissage en douceur » en Afghanistan,
Attendre et voir. Le résistant souhaite pour son pays un gouvernement « inclusif et représentatif », un Afghanistan idéal. Le ministre français Jean-Yves Le Drian qui a émis ce même souhait est moqué, qualifié de « naïf ».