Le président afghan Ashraf Ghani, en visite aux Etats-Unis, rencontre demain vendredi Joe Biden pressé de quitter le pays au bout de vingt d’une guerre ingagnable, mais soucieux de ne pas donner le sentiment d’abandonner totalement un pays à un sort qui s’annonce terrible. Une bonne partie des Afghans, des diplomates, des militaires et des médias paraissent persuadés que la victoire des talibans est inéluctable, qu’elle peut survenir dès le lendemain du retrait total des Américains, le 11 septembre au plus tard. « Une fois les Américains partis, le gouvernement ne tiendra même pas cinq jours » se réjouit le mollah Misbah, commandant de la province de Ghazni. Les insurgés progressent chaque jour, les districts tombent les uns après les autres, ils menacent une majorité des capitales des 34 provinces et contrôlent les frontières dans le nord du pays. Nombre d’Afghans qui le peuvent ont choisi l’exil, principalement en Turquie, car ils ne croient pas aux promesses de respect des libertés. Trop d’assassinats de personnes qui défendaient la démocratie. Les talibans tiennent à leur « «authentique régime islamique » qui « est la meilleure solution » et, selon eux » l’exigence de tous les Afghans ». L’armée afghane semble en péril, même si, il y a trois mois, Amrullah Saleh, vice-président, affirmait: « sans le soutien du Pakistan, les talibans ne pourraient pas tenir plus de trois à six mois ». Il ajoutait que « si les talibans reprennent le contrôle du pays, l’Afghanistan deviendra une colonie du Pakistan ». C’est vrai qu’Islamabad est le refuge des talibans, le siège du conseil des dirigeants et que le Premier ministre Imran Khan peut peser sur ce qui sera décidé à Quetta.
Que va demander Ashraf Ghani à Joe Biden? Le président afghan, aux abois, ne sait que faire et n’a confiance qu’en un cercle restreint, pas vraiment en celui qui l’accompagne, Abdullah Abdullah, le chef des négociateurs. Il pourrait au moins poser cette question: quel soutien les États-Unis continueront-ils d’apporter à l’armée afghane après leur retrait, en couverture aérienne, en renseignement, ou en livraison de matériel sophistiqué ? Aujourd’hui, les bombardements des talibans sont menés par des B-52 basés au Qatar. Le président américain, qui a déjà ralenti le retrait, insister sur « le partenariat durable » qui lie les deux pays et répétera ce que dit son administration: «Nous exhortons les parties à s’engager dans des négociations sérieuses pour définir une feuille de route politique pour l’avenir de l’Afghanistan. Nous continuons à appeler à la fin des violences actuelles qui sont en grande partie causées par les talibans». Une solution négociée? Les talibans n’en voudraient plus… Mais vont-ils aller jusqu’au bout de leur logique guerrière? Andrew Watkins, expert à l’International Crisis Group. Constate que « les talibans renforcent leur mainmise autour des grandes villes. Mais ils ne vont pas forcément essayer dans un avenir proche de prendre ces villes ». Pour lui, « la chute de Kaboul n’est pas imminente. Les talibans ne sont pas un invincible rouleau compresseur ». Ils manquent d’armes lourdes, sont vulnérables aux bombardements. Et savent, malgré leur prétention, que si les Afghans aspirent à la paix, celle qu’ils attendent n’est pas la leur. Ni celle de Daech