Combien parmi les quelque 28 millions d’électeurs sud-africains vont aller voter ce mercredi pour les septièmes élections libres depuis la fin de l’apartheid ? Ils sont nombreux à dire qu’ils ne se déplaceront pas ou qu’ils bouderont l’ANC, le parti au pouvoir depuis trente ans qui devrait perdre sa majorité absolue.
« Siyangobu » – nous sommes conquérants en zoulou- ont lancé leurs militants lors de leur dernier meeting mais le cœur n’y est plus : trop de promesses non tenues. Les Sud-Africains sont loin de la « vie glorieuse » espérée par Nelson Mandela. Les années qui ont suivi la fin de l’apartheid ont apporté de nombreux progrès et mis le pays sur une bonne voie mais l’arrivée à la présidence de Jacob Zuma en 2009 va faire plonger le pays. Déjà soupçonné de corruption et même inculpé de viol en 2005, le Zoulou, figure de la lutte antiapartheid, va instaurer une période de pillage de l’administration et des services publics, une ère de corruption, des détournements, d’enrichissements appelée maintenant « capture l’Etat ».

Un rapport de 5 000 pages sera remis en 2022 à son successeur Cyril Ramaphosa, mais des ministres incriminés sont toujours en place et la situation n’est absolument pas redressée. Aujourd’hui, l’Afrique du Sud est le pays le plus inégalitaire du monde. Plus de 45% des 15-34 ans, les « Born free » sont au chômage et les revenus des Blancs restent trois à cinq fois plus élevés que ceux des Noirs même si des mesures ont permis l’éclosion de chefs d’entreprise de couleur multimillionnaires.
« Seuls ceux qui ne veulent pas voir les progrès nient que l’Afrique du Sud est un endroit infiniment meilleur qu’il y a trente ans », affirme le président Ramaphosa. Ce n’est pas faux, mais beaucoup lui répondent chômage, logement, criminalité, coupures de courant -335 jours en 2023- et d’eau. Certains attendent le logement promis depuis plus de dix ans et, témoigne l’écrivain Sihle Khumalo, « il arrive qu’une personne noire soit nostalgique de l’époque de l’apartheid ». L’Afrique du Sud des générateurs et des panneaux solaires face à l’Afrique du Sud des bougies…
Alors ; le président a beau promettre qu’ « ensemble nous allons faire plus et nous allons faire mieux », son parti l’ANC, Congrès national africain, ne devrait recueillir qu’entre 40 et 45% des suffrages contre 57,5% en 2019. Il ne perdra pas le pouvoir mais devra faire des alliances ? Avec quel parti? Avec EFF, les combattants de la liberté, parti de gauche radicale qui veut nationaliser les industries et saisir les terres des Blancs -toujours 61% des surfaces cultivées ? Ou avec MK, Umhhonto we Sizwe, le nouveau parti de Jacob Zuma.
John Steenhuisen et son parti centriste l’Alliance Démocratique (DA), réputés pour leur bonne gestion mais encore perçu comme le parti des Blancs même s’il devrait obtenir 25% des voix, redoute que de telles alliances soient des « coalitions de l’apocalypse ».
Réponse dans quelques jours. Ce qui semble certain, c’est que ces élections marquent la fin d’une époque.