Il y a un peu plus d’un an, Javier Milei, « el loco », accédait à la présidence de l’Argentine, un pays quasi failli qu’il promettait de redresser en se servant de sa tronçonneuse qu’il avait brandi tout au long de sa campagne électorale.
Ce jeudi au Forum économique de Davos, « le fou » est apparu en vainqueur : « l’Argentine est devenu un exemple mondial » a-t-il asséné dans un discours…à la tronçonneuse, une ode au libertarisme, anti woke, homophobe, anti féministe, un appel au changement, à la liberté totale selon son credo qui voit l’Etat comme un problème et non une solution. «Je ne me sens plus seul aujourd’hui. Nous sommes un exemple d’une nouvelle façon de faire de la politique, nous sommes l’avenir et nous avons beaucoup d’amis à travers le monde occidental, de l’étonnant Donald Trump à Giorgia Meloni, de Viktor Orban à Benyamin Netanyahou», a-t-il déclaré, précisant que nous mettons la liberté au centre de tous les sujets, c’est un devoir moral et nous en tirons aujourd’hui de grands succès».
Il faut reconnaître que l’Argentine a bien changé en un an, les résultats sont spectaculaires : l’inflation est passée de 212,4% à 117,8% et elle est prévue pour cette année à 25% en rythme annuel ; la dette est descendue de 155% à 91,5% du PIB ; le déficit public de 5,4% s’est transformé en excédent de 0,3% ; la bourse a cru de 172%.
Pour y arriver, Milei a dû faire chauffer sa tronçonneuse : suppression de 13 ministères sur 18 ; licenciement de 52 000 fonctionnaires, réduction des subventions pour les transports, l’énergie, les travaux publics, dévaluation de moitié du peso, plus de 900 réglementations supprimées. Au total, une baisse de 30% des dépenses publiques.
Un « bel » effort qui n’est pas sans conséquences : perte de 250 000 emplois, hausse du chômage (il redescend) et surtout nette augmentation de la pauvreté qui est passée de 41,2 à 52,9%. L’extrême pauvreté touche 18% des Argentins dont beaucoup de retraités à qui Javier Milei vient de refuser une hausse des pensions pourtant votée par le Congrès. A Buenos Aires, le revenu mensuel moyen est de 240 dollars par mois. En 2024, deux millions d’Argentins sont allés faire leurs courses au Chili. Le porte-parole du gouvernement ne nie pas les chiffres, mais affirme que sans les mesures prises, la pauvreté aurait atteint les 95%. Et il note une légère amélioration ces dernières semaines.
Les Argentins, qui doutaient et ont souvent manifesté contre les coups de tronçonneuse, soutiennent majoritairement leur président (52,3%) tout en reconnaissant que la vie est difficile : « ma situation est pire, mais nous devons attendre », répondent-ils quand ils sont interrogés.
« Il n’y a rien sur terre qui puisse freiner la force du ciel de la tronçonneuse », a déclaré Milei au Wall Street Journal lors d’une interview le mois dernier. Cependant, les économistes estiment que l’Argentin ne pourra poursuivre longtemps sur la même voie et qu’il devra rééquilibrer sa politique. Ils soulignent aussi que le pays était tellement bas qu’il était relativement facile de le redresser et qu’il a été aidé par la baisse mondiale de l’inflation. Ils concluent que l’exemple argentin –« le nouvel horizon c’est la liberté et le libertarisme » – n’est pas forcément applicable ailleurs, exportable partout.