Des milliers de Palestiniens ont assisté ce jeudi à une cérémonie commémorative à Ramallah à la mémoire de la journaliste d’Al Jazeera Shireen Abu Akleh, tuée la veille à Jénine lors d’un échange de tirs entre émeutiers palestiniens et soldats israéliens. Lors de son discours, le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, a déclaré qu’il tenait Israël pour responsable de sa mort et que l’AP porterait l’affaire devant la Cour pénale internationale. Il a réitéré également le rejet par l’AP d’une enquête conjointe sur la mort de Shireen, suggérée par Israël.
« Ils ont commis le crime et nous ne leur faisons pas confiance », a déclaré M. Abbas au palais présidentiel de Ramallah, ajoutant que l’autorité palestinienne « se tournerait immédiatement vers la Cour pénale internationale ».
Pour l’heure, l’auteur du tir n’a toujours pas été identifié. Israël a ouvert une enquête et a notamment demandé à l’Autorité palestinienne d’examiner les balles tirées par les émeutiers pour déterminer à qui appartient la balle qui a tué Shireen. Sous la plume de son correspondant à Jérusalem Louis Imbert, Le Monde écrit : « L’armée israélienne succombe à son travers usuel : elle n’envisage explicitement qu’un seul scénario, « la possibilité que les journalistes aient été touchés par des tireurs palestiniens ».
A la radio militaire, un porte-parole va jusqu’à assimiler Mme Abu Akleh à une combattante ennemie, qui « filmait et travaillait pour un média parmi des Palestiniens armés. Ils sont armés avec des caméras, si vous me permettez de le dire. » L’armée israélienne, qui tente depuis le 22 mars d’endiguer une vague d’attentats ayant fait 18 morts en Israël, diffuse une vidéo tournée par des Palestiniens. Un combattant tire dans une ruelle, en rafales hasardeuses. Un homme crie qu’un soldat israélien gît au sol. Cela suffit au bureau du premier ministre, Naftali Bennett, pour estimer « possible » que cette victime soit la journaliste, l’armée n’ayant déploré ce matin-là aucune perte. La diplomatie israélienne diffuse ce raisonnement. Le gouvernement aurait dû savoir que les coordonnées GPS des images ne correspondent pas : ces tirs sont filmés à quelque 300 mètres de distance du lieu où Shireen Abu Akleh a été tuée, précise l’organisation de défense des droits humains B’Tselem. Mais à cette heure, le bureau de M. Bennett ne se préoccupe pas d’exprimer une vérité assurée, ce qui aurait nécessité du temps et de l’humilité.
Ce qui compte, c’est que ces images instillent le doute. Elles entretiennent une autre version des faits, qui s’oppose aux accusations convergentes des confrères de Shireen Abu Akleh. C’est un pauvre mensonge par omission, à mèche courte, valable pour quelques heures à peine. (…) Au-delà du meurtre de Mme Abu Akleh, dont l’auteur n’est pas formellement identifié à ce jour, ce qui se joue ici, c’est la difficulté qu’ont les Israéliens à affronter leur responsabilité d’occupants et les crimes qui l’accompagnent. Parce qu’ Israël, puissance dominante, a intérêt à renvoyer dos à dos deux narratifs insolubles l’un dans l’autre, et à demeurer ainsi dans la confusion.