La cour d’appel de Paris se prononcera le 26 juin sur la validité du mandat d’arrêt émis contre le président syrien Bachar el-Assad, accusé de complicité de crimes contre l’humanité pour des attaques chimiques en Syrie en 2013, a-t-on appris mercredi de source judiciaire.
La chambre de l’instruction a examiné mercredi, pendant deux heures à huis clos, la requête du parquet national antiterroriste (Pnat), compétent en matière de crimes contre l’humanité, qui demande l’annulation du mandat au nom de l’immunité dont jouissent les chefs d’Etat en exercice.
« De manière unanime, il est estimé jusqu’à présent » que les exceptions à l’immunité personnelle des chefs d’Etat en exercice sont « réservées au seul bénéfice des juridictions internationales », telle la Cour pénale internationale, et non des tribunaux de pays étrangers, a argumenté le Pnat en amont de l’audience auprès de l’AFP.
« Sans remettre en cause l’existence d’éléments démontrant l’implication de Bachar el-Assad dans les attaques chimiques commises en août 2013 », le Pnat souhaite « voir cette question tranchée par une juridiction supérieure ».
Depuis 2021, des juges d’instruction du pôle crimes contre l’humanité du tribunal judiciaire de Paris enquêtent sur la chaîne de commandement ayant mené aux attaques chimiques qui ont eu lieu dans la nuit du 4 au 5 août 2013 à Adra et Douma, près de Damas, ayant blessé 450 personnes, et celles du 21 août qui avaient notamment fait plus de 1.000 morts dans la Ghouta orientale, selon les renseignements américains.
Dans ce cadre, les juges ont émis mi-novembre quatre mandats d’arrêt pour complicité de crimes contre l’humanité et complicité de crimes de guerre.
Ils visent Bachar el-Assad, son frère, Maher, chef de facto de la Quatrième division, une unité d’élite de l’armée syrienne, ainsi que deux généraux, Ghassan Abbas et Bassam al-Hassan.
Il s’agit du premier mandat d’arrêt émis par une juridiction française contre un chef d’Etat en exercice.
Les avocats des parties civiles n’ont pas souhaité s’exprimer à l’issue de l’audience mercredi.
Les magistrats instructeurs ont émis ce mandat en développant une argumentation juridique encadrant « strictement » les conditions dans lesquelles une immunité personnelle d’un chef d’Etat peut être levée par un pays étranger, a assuré à l’AFP une source proche du dossier.
Leur raisonnement est d' »ouvrir une porte supplémentaire dans la lutte contre les crimes contre l’humanité », selon cette source.
Les investigations ont été lancées en 2021 après une plainte avec constitution de partie civile déposée par le Centre syrien pour les médias et la liberté d’expression (SCM) et des victimes franco-syriennes. Les ONG Open Society Justice Initiative, Syrian Archive et Civil Rights Defenders et d’autres victimes se sont constituées par la suite.