Les violences policières sur l’esplanade des mosquées, les menaces des expulsions de Palestiniens dans le quartier de Sheikh Jarrah amplifiées par les discours des extrémistes racistes élus à la Knesset avec la complicité de Netanyahu avaient joué un rôle dans les premiers tirs de missiles par le Hamas qui ont ouvert ce conflit de onze jours. Sheikh Jarrah n’est pas la seule cible des colons israéliens qui veulent expulser des Palestiniens de leur maisons où ils habitent depuis des dizaines d’années ou plus au nom d’une loi qui permet aux Juifs de demander que leur droit de propriété leur soit rendu s’ils peuvent prouver que leur famille habitait à Jérusalem-Est avant 1948. Pas de réciprocité pour les Palestiniens…
A Silwan, près de vieille ville, dans le quartier de Batn Al-Hawa, l’association Ateret cohanim, « couronne des prêtres », a déjà fait expulser 200 habitants et menace 86 familles, soit 700 personnes, qui ne cessent de faire appel devant de tribunaux qui les déboutent. Les colons affirment que les maisons sont construites sur les ruines d’un ancien village juif yéménite et que leurs ancêtres avaient racheté les terres à la fin du 19éme siècle. De nombreux Palestiniens sont là parce qu’ils avaient été délogés de chez eux en 1967, mais, comme ils le disent « la justice n’est faite que pour les colons ». Le 25 mai, une audience, à la demande de sept familles, a été reportée à une date indéterminée. Faut-il voir là une crainte de nouveaux troubles dangereux ou un effet Blinken? Le secrétaire d’État américain, avant de venir en Israël, avait fermement averti le gouvernement que les actions susceptibles de « déclencher un nouveau cycle de violence » devaient être évitées. Parmi elles, les expulsions de familles palestiniennes qui pourraient entraîner « un conflit et une guerre ».
Les Etats-Unis ont peut-être dissuadé Netanyahu, mais pour combien de temps? La loi ne changera pas et l’on voit mal aujourd’hui le Hamas qui proclame sa victoire -non sans quelques raisons- reprendre un combat qu’il sera sûr de perdre. Les mises en garde israéliennes n’ont pas manqué soulignant que Tsahal frappera sans retenue si des missiles sont à nouveau lancés. Dans ce cas, Washington, qui refuse que le Hamas se renforce militairement, soutiendra totalement son allié. Et les incidents « domestiques », y compris la mort d’un Palestinien en Cisjordanie ne doivent troubler ce cessez-le-feu dont le maintien est l’unique objectif.
Aujourd’hui, et pour la première fois de puis treize ans, le ministre israélien des Affaires étrangères Gabriel Ashkenazi est au Caire pour rencontrer son homologue égyptien Sameh Choukri et le chef des services de renseignement égyptien est à Jérusalem où il a vu Netanyahu, et à Ramallah. Un unique but: renforcer le cessez-le-feu. Samedi, l’Égypte, médiateur entre Israël et Gaza, a informé le Hamas qu’une trêve avec l’Etat hébreu devait inclure la remise des corps de deux soldats tués en 2014 ainsi que le retour de deux citoyens israéliens capturés l’un en 2014, l’autre en 2015.
Dans ce contexte, les expulsions reprendront tôt ou tard et ne feront réagir que par des mots…
La fin de Netanyahu?
Ce soir en Israël, les choses pourraient bouger: Naftali Bennett, leader du parti Yamina et « faiseur de roi » a annoncé cet après-midi, selon les médias, qu’il avait rallié le « bloc du changement » qui évince Benjamin Netanyahu. Il a annoncé ce soir cet accord avec Yesh Atid -« Il y a un futur » de Yaîr Lapid- « sur une coalition gouvernementale dans le cadre de laquelle il serait Premier ministre jusqu’en septembre 2023, avant de céder la place pour deux autre années à Yaïr Lapid. » « Nous avons des lignes rouges et nous les ferons respecter. Nous ne céderons pas de territoire et nous ne porterons pas atteinte à l’identité juive de l’État d’Israël. Il est facile de se retrancher et d’attiser les flammes [de la division interne] comme le font les autres. Mais c’est ainsi que l’on déchire la nation » avait-il affirmé auparavant à ses députés pour les convaincre de son bon choix.
Ce matin, Netanyahu avait proposé à Gideon Saar, ancien du Likoud devenu son ennemi, et à Naftali Bennett un accord gouvernemental avec une triple rotation au poste de Premier ministre. Sans succès. Vingt minutes après l’annonce de Bennett, Netanyahou, en colère, a pris la parole à la télévision pour »démolir »le dirigeant de Yamina qui » se moque du public » et n’arrête pas de changer d’avis. A plusieurs reprises durant son allocution, le Premier ministre a affirmé qu’un gouvernement de gauche qui s’appelle faussement gouvernement d’union serait « dangereux pour l’avenir et la sécurité d’Israël ». Il a réitéré sa proposition du matin et appelé les élus de droite à ne pas se fourvoyer et à le rejoindre pour former un gouvernement de droite. Une tentative de débauchage. « Que penseraient le Hamas et les et les Etats-Unis d’un tel gouvernement de gauche, semeur, avec Bennett de haine et de division »? Il serait « comme l’Iran, la Syrie et la Corée du Nord, pas démocratique, il votera des lois contre moi, dans la crainte que je les batte ».
Bibi n’accepte pas de quitter le pouvoir et se dit sûr de pouvoir réunir une majorité…
Pour que Lapid obtienne les 61 voix nécessaires pour former un gouvernement, il lui faudra le soutien de Ra’am, le parti islamiste arabe de Mansour Abbas. Pas évident tant les intérêts sont divergents. Il ne s’oppose pas au gouvernement du changement, disait-on hier soir… Il suffit d’une ou deux défections pour faire échouer ce « gouvernement du changement » que Lapid espère annoncer demain matin au président Rivlin. Beaucoup de conditionnel et une chasse à la « transhumance » des élus lancée par Netanyahu. Rien n’est joué. Mais quel spectacle désolant!…