La 20e édition du festival de la Chanson tunisienne s’est terminée hier à l’issue d’une soirée qui n’a pas manqué de nous rappeler la genèse de cette manifestation et ses débuts animés et chaleureux.
Rappelez-vous: ce festival est né au printemps 1986 dans l’ambiance morose d’une fin de règne. L’objectif en était alors de relancer la création chansonnière dans le but avoué d’apporter aux gens du plaisir et de leur donner des émotions communes. Mais chaque ministre de la culture voulant marquer sa présence et laisser sa petite empreinte sur cette manifestation, celle-ci va connaître des fortunes diverses et changer même d’appellation en prenant celle, vague et imprécise de « festival de musique tunisienne », avant de disparaître carrément du radar des festivals pourtant si nombreux dans notre pays.
Et c’est donc avec joie voire enchantement que les Tunisiens ont retrouvé de nouveau le Festival de la chanson tunisienne. D’autant plus qu’à la morosité qui vit naître ce festival en 1986, s’ajoute aujourd’hui l’angoisse provoquée par la pandémie de la COVID-19. On sait le rôle antidépresseur que joue la musique et particulièrement la chanson dans toutes les sociétés humaines. Mais on oublie quelquefois de souligner sa fonction unificatrice en créant une mémoire affective collective. C’est un élément identitaire essentiel.
Mais quel bilan pour cette 20e session du Festival de la chanson tunisienne?
Si sur le plan de l’organisation la manifestation a été globalement une réussite et a donné lieu à de de vrais moments de communion avec le public présent en nombre limité-Covid-19 obligé, sur celui de la qualité du produit présenté il y aurait par contre beaucoup à dire.
Contrairement aux premières années de ce festival qui permit au début des années 90 l’éclosion d’artistes attachés à présenter des œuvres élaborées et collant aux spécificités du patrimoine national, l’actuelle session semble avoir pêché par un laxisme évident en voulant s’élargir à toutes les formes d’expression et en voulant contenter tout le monde, en intégrant des éléments aussi inattendus que hétérogènes telle que la « chanson à clip ».Or pour la chanson aussi, trop de liberté tue la liberté, et l’exigence dont voulait se prévaloir le monde de la chanson pour le retour d’une chanson tunisienne de qualité semble être perdue en cours de chemin, laissant apparaître une confusion manifeste quant aux objectifs véritables de ce festival.
Les objectifs du festival de la chanson, il n’y en a pas trente-six. Il y a deux: créer de nouvelles belles chansons, et faire revivre les belles chansons tunisiennes à travers de bonnes interprétations. Le reste, c’est du spectacle. Car une chanson, cela reste un moment d’écoute, d’abord et enfin.
C’est à ces règles simples et claires qu’il fallait revenir pour réussir le festival de la chanson et pour laisser les mélodies opérer sur l’esprit des gens et sur leur mémoire.
Par ailleurs, la question qui reste posée concerne les moyens dont disposent les organisateurs du festival, donc le Ministère de la culture, donc l’Etat au bout du compte, pour rentabiliser cette manifestation et faire transmettre les chansons récompensées au public pour les apprécier et les aimer. Autrement dit, quels pouvoirs ont les tenants d’une chanson de qualité sur des médias publics et privés qui, pour des raisons d’audimat et d’audience, cèdent à la pression de la médiocrité ambiante?
Restons cependant positifs.
Le Festival de la chanson tunisienne revient. Travaillons à mieux le réussir pour offrir les prochaines fois de belles chansons à nos citoyens qui en ont tellement besoin par ces temps de doute et de peur. Il n’y a pas mieux qu’une chanson pour chauffer le cœur.