A peine les libyens ont-ils mis un pied dans la transition démocratique qu’ils nous donnent une bonne leçon d’efficacité, de modestie et de sagesse. Il vrai qu’une décennie de guerre a usé ce peuple et l’a meurtri. Il est vrai aussi que les enjeux d’une poursuite de guerre civile aussi dévastatrice dans un pays aussi riche en hydrocarbures et occupant une place aussi stratégique dans cette si sensible région méditerranéenne aurait eu des conséquences incalculables. Il est vrai enfin que beaucoup de données géopolitiques ont bougé depuis quelques temps dans la foulée du changement à la Maison Blanche. Tout cela est vrai, mais le plus important est que, de guerre lasse, les libyens, peuple naturellement pacifique, veulent en finir avec cette maudite guerre qui leur a coûté cher en vies humaines et a causé la destruction du tiers de l’infrastructure du pays .
Certes, ce n’est que le début du processus et il reste beaucoup de questions importantes à régler, dont notamment le départ des mercenaires étrangers et l’intégration des milices intérieures dans les forces de la police et de l’armée. Mais déjà une structure de pouvoir est-elle mise en place, un gouvernement provisoire est nommé et un parlement élu qui joue son rôle, en attendant que le début de la prochaine année verra se confirmer cette résurrection libyenne. Pour les pays de la région, la renaissance Libyenne est une bonne nouvelle. Pour la Tunisie, particulièrement qui attend impatiemment le retour à la normale de la situation dans le pays voisin.
Longtemps, la Libye a constitué le poumon de l’économie tunisienne. Mais avec l’enlisement du pays dans la guerre civile après l’échec de la révolution du 17 février déclenchée à la faveur des soulèvements populaires du Printemps arabe, la Libye est vite passée d’une solution à un problème pour la Tunisie qui a dû gérer les flux des réfugiés dont le nombre a passé le million en 2013, la chute vertigineuse du volume des échanges commerciaux, et le retour des centaines de milliers de travailleurs aggravant une situation économique tunisienne déjà fort éprouvée par les interminables mouvements sociaux. A cela s’ajoute le phénomène du terrorisme dont l’ampleur aux premières années de la révolution a constitué un frein au développement économique en créant une source permanente d’instabilité. La Libye renaît et pourrait de nouveau être une solution pour la Tunisie dont la crise économique menace la réalisation du projet démocratique.
Mieux qu’un espoir, la Libye pourrait même donner l’exemple à cette Tunisie fatiguée, accablée, affaibli par une fausse élite politique qui ne semble être capable que de chamailleries et de vides discutailleries, offrant au pauvre peuple un désolant spectacle où l’inconscience le dispute à l’irresponsabilité.
La politique comme sens de l’Etat, comme sérénité, comme respect de l’autre, et même comme parité véritable entre hommes et femmes, c’est une Libye pourtant convalescente qui en donne l’exemple à la classe politique tunisienne tristement inconsistante et futile, et qui pousse chaque jour le paquebot Tunisie vers le naufrage.