
Par Naoufel Ben Aissa
Le lundi 23 Mai 2022, l’éminent penseur, écrivain, ex-maire de Sousse, Secrétaire d’État à l’Education Nationale, Ministre de la Culture et Ambassadeur Ahmed Khaled a tiré sa révérence. On ne peut s’empêcher de penser à ceux qui ont marqué l’Histoire ou notre histoire.
Le 23 Mai de l’an dernier est parti pour l’au-delà « le père de la démocratie tunisienne »: feu Ahmed Mestiri (1925-2021). Une personnalité qu’on n’a jamais pu remplacer déjà de son vivant. Il n’était pas que Ministre, c’était un bâtisseur. L’un de ceux qui ont œuvré pour la liberté de penser et de s’exprimer. L’un de ceux qui ont réalisé que la soumission à Bourguiba et à son nombrilisme ne pouvait que nuire à l’État vu l’état de la gouvernance de la Tunisie de l’époque et la mainmise du Parti-État. Il a vu juste.
Malgré la persécution, il réussit à créer en 1978 un parti, le Mouvement des Démocrates Socialistes, MDS, qui aurait gagné les élections de 1981 si les manipulations des urnes n’en avaient pas disposé autrement. Son œuvre encore inachevée, il a dû quitter la vie politique quand Ben Ali s’est approprié la Présidence de la République. Il compris que le nouveau Président allait reproduire le modèle de son prédécesseur et que « le changement » n’est qu’un effet d’annonce. Juste un leurre, encore un.
Cette personnalité décédée voilà un an, rappelle la richesse du patrimoine humain et intellectuel tunisien. Un patrimoine immatériel qui nous renvoie aux maures qui sont venus se réfugier chez nous pour apporter à notre société un civisme et une civilité, entre autres bienfaits, dont elle manque cruellement de nos jours. Ils ont généré par ailleurs un potentiel incommensurable qui a donné des personnalités qui font aujourd’hui notre fierté dont l’auteur des Prolégomènes Abderrahman Ibn khaldoun et le penseur, théologien et militant Fadhel Ben Achour.
Paradoxalement, au lieu de fructifier ce legs précieux, les politiciens de nos jours œuvrent pour bâtir un nouveau moyen-âge dans un pays gangréné par l’ignorance, la pauvreté et la précarité. Seulement pas le moyen-âge de nos ancêtres d’origine andalouse, mais celui des gaulois dont la descendance fait partie des maîtres du monde d’aujourd’hui.
Ainsi, sommes-nous condamnés à une récession inévitable alors qu’ailleurs, on réalise des avancées remarquables. Bon sang!
Pourtant, avant-gardistes nous étions du temps de nos morts et de nos maures. Ces grands hommes ont fait la grandeur de notre pays, jamais petit, pourtant, longtemps soumis car trahis par une poussière d’individus, faute de discernement entre Histoire et historicité.
Si aux grands hommes l’Histoire est reconnaissante, en ce qui nous concerne, l’État actuel ne l’est pas. Un État de dégâts et de corruption qui prétend être de droit et des institutions pourtant. Quel mensonge! Quelle prétention! Quelle amère désolation!
Le maigre hommage rendu à Ahmed Mestiri et l’ignoble manière avec laquelle on a traité à la fondation de la « République » Mohamed Lamine Pacha Bey, sa famille et Tahar Ben Ammar -signataire de l’indépendance- en sont des preuves. Quel triste constat!
Paix à leurs âmes … illustres lustres de notre histoire.
En dépit du moyen-âge contemporain, propre de nos maudits politiciens, en dépit de la désillusion, nous vous serons, toujours, reconnaissants et nous vous remerçions pour votre dévouement au service du pays et de la nation.