Dans un article publié par Le Monde, Jean-Pierre Filiu, professeur à Sciences-po, rappelle un épisode peu souligné, celui de la cohabitation des Français avec les mercenaires russes de Wagner en Libye. Le maréchal Haftar était ouvertement soutenu par l’Egypte et les Emirats arabes unis, qui violaient l’embargo international pour continuer de l’armer, et plus discrètement par la Russie et par la France. Peu à peu, l’installation des paramilitaires russes participe d’une montée en puissance des forces d’Haftar, dans la perspective d’une conquête de l’ensemble du pays et d’un renversement du gouvernement d’union nationale de Tripoli.
J.P. Filiu écrit : « Durant ces mois cruciaux, les décideurs français ne peuvent nourrir aucun doute sur les objectifs du Groupe Wagner, qui, au-delà de ses responsabilités opérationnelles, prend en charge les systèmes d’écoute d’Haftar et les confient à des supplétifs syriens, recrutés par ses soins dans les rangs des partisans d’Assad. Au même moment, Paris met pourtant en garde contre les visées du Groupe Wagner en République centrafricaine, où son influence grandissante a des tonalités de plus en plus anti-françaises. Mais ce qui vaut en Afrique subsaharienne n’a apparemment pas cours sur la rive sud de la Méditerranée, sans doute du fait des convergences de vues avec Le Caire et, surtout, Abou Dhabi. C’est ainsi que les mercenaires russes s’installent dans cet angle mort de la politique française en Libye. Soyons clairs, il n’y a jamais eu de collaboration entre les « conseillers » français d’Haftar et les paramilitaires dépêchés par le Kremlin, mais une incontestable cohabitation dans le même camp libyen. » Quand Haftar tente de s’emparer de Tripoli, « l’Elysée refuse de condamner Haftar et cautionne de fait l’engagement du Groupe Wagner aux côtés de ce chef de guerre ».