L’armée ukrainienne, qui mène depuis le 29 août une contre-offensive en direction de Kherson, la seule capitale régionale d’Ukraine tombée aux mains des russes dès la première semaine de guerre, fait face aux tirs d’artillerie et aux renforts des troupes de Poutine.
Aucune information militaire officielle n’a été communiquée sur les trois premiers jours des opérations. L’armée a demandé « le silence » aux médias ukrainiens et ordonné à ses unités de ne pas recevoir les journalistes, tenus à l’écart de la ligne de front. Le commandement de l’armée pour la région sud, situé à Odessa, a simplement confirmé, par la voix de sa porte-parole, la colonelle Natalia Houmeniouk, le lancement, « dans de nombreuses directions », d’« une contre-offensive dans la province de Kherson ». Un député de la région, Sergey Khlan, a déclaré : « C’est l’annonce que nous attendions depuis le printemps : le début de la fin de l’occupation de la région de Kherson. »
A Mikolaïv, de retour du front, un officier, V., accepte de confier, sous le couvert de l’anonymat, ses impressions des deux premiers jours de bataille. « C’est dur, dit-il immédiatement. Les Russes ont concentré beaucoup de troupes dans le sud. Ils ont amené des renforts. » Il décrit une armée russe qui réagit très différemment selon l’endroit et l’unité. « En première ligne, les soldats russes paniquent. Ils pillent les villages où ils sont stationnés et s’enfuient. En revanche, les tirs de tanks et d’artillerie sont intenses et, à certains endroits, il y a des combats acharnés. »
L’AIEA est arrivée à la centrale

Des inspecteurs de l’Agence internationale pour l’énergie atomique (AIEA) sont arrivés jeudi 1er septembre à la centrale nucléaire de Zaporijia, dans le sud de l’Ukraine, pour une mission aussi risquée qu’attendue, ont rapporté les agences de presse russes.
Un ingénieur de la centrale a affirmé au Telegraph que les forces de sécurité russes procèdent à des actes de torture afin que les employés ne parlent pas devant l’équipe de l’AIEA
Un journaliste de Reuters a vu le long convoi transportant les inspecteurs de l’agence onusienne arriver sur le site où les troupes russes sont présentes en force et une source ukrainienne au fait de la situation a expliqué à Reuters que la mission « pourrait finalement être plus courte que prévu ».
L’un des six réacteurs nucléaires de la centrale de Zaporijia a été arrêté en raison de bombardements russes, a déclaré jeudi l’opérateur ukrainien des centrales atomiques, Energoatom, alors qu’une délégation d’inspecteurs de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) est attendue sur le site.
A 4 h 57 (heure locale, 3 h 57 à Paris), à la suite d’« un bombardement à l’aide d’un mortier sur le site de la centrale de Zaporijia, le système d’urgence a été activé et l’unité no 5, arrêtée », a rapporté Energoatom dans un communiqué sur Telegram.
Moscou accuse au contraire l’armée ukrainienne d’avoir mené un débarquement de « saboteurs » près de la centrale. « Vers 6 heures [5 heures à Paris], deux groupes de saboteurs de l’armée ukrainienne, jusqu’à une soixantaine de personnes, ont débarqué à bord de sept embarcations (…) à 3 kilomètres au nord-est de la centrale nucléaire de Zaporijia », annonce le ministère de la défense russe dans un communiqué, ajoutant avoir pris « des mesures pour anéantir l’ennemi ».
Sur Telegram, le chef de l’administration militaro-civile d’Enerhodar (prorusse), cité par l’agence officielle russe Interfax, a publié les images d’un correspondant du journal russe Izvestia montrant ce qui est censé être le bombardement d’Enerhodar par l’armée ukrainienne.
En fin d’après-midi, le chef de l’Agence internationale de l’énergie atomique a déclaré avoir «vu ce qu’il avait besoin de voir».
«Nous avons pu, pendant ces quelques heures, rassembler beaucoup d’informations. J’ai vu les principales choses que j’avais besoin de voir», a déclaré Rafael Grossi aux médias russes qui accompagnaient la délégation d’experts de l’AIEA dans cette centrale occupée par les forces russes dans le sud de l’Ukraine.
Des déplacements forcés
Les forces russes déplacent de force des civils ukrainiens, y compris ceux qui fuyaient les hostilités, vers des zones sous leur contrôle, depuis le début de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, a affirmé l’ONG Human Rights Watch (HRW) dans un rapport publié ce jeudi.

Les transferts forcés « constituent une violation grave des lois de la guerre équivalant à un crime de guerre et à un crime potentiel contre l’humanité », a déclaré HRW.
L’organisation a interrogé cinquante-quatre personnes qui se sont rendues en Russie ou connaissaient des personnes qui l’ont fait. Certaines d’entre elles aidaient également des Ukrainiens qui tentaient de quitter le territoire russe.
De nombreuses personnes transférées de force fuyaient la ville de Marioupol, un port dans le sud-est de l’Ukraine qui a subi un siège dévastateur et de violents bombardements avant d’être saisi par les troupes russes. D’autres venaient de la région de Kharkiv, dans le nord-est de l’Ukraine.
« Bien sûr que nous aurions saisi l’occasion d’aller en Ukraine si nous avions pu, a dit à HRW une femme transférée de Marioupol. Mais nous n’avions pas le choix, aucune possibilité d’aller [dans les territoires contrôlés par Kiev] », a-t-elle dit.
« Les civils ukrainiens ne devraient pas n’avoir d’autre choix que d’aller en Russie », a déclaré Belkis Wille, un chercheur de Human Rights Watch et coauteur du rapport.
Sur leur trajet, beaucoup de ces civils ont été soumis à une forme de contrôle de sécurité obligatoire appelée « filtration » et qui comprenait la collecte de données biométriques et d’empreintes digitales, des fouilles corporelles et d’inspection de leurs affaires personnelles, selon le rapport.
« Personne ne devrait être contraint de se soumettre à un processus de dépistage abusif pour [se mettre en] sécurité », a fait valoir M. Wille.
Un habitant de Marioupol a dit à HRW avoir été interpellé par les troupes russes avant d’être placé pendant deux semaines, avec des dizaines d’autres résidents de cette ville, dans une école, dans des conditions insalubres, avant de pouvoir passer la « filtration ». « Nous nous sentions comme des otages », a-t-il dit à HRW.
Poutine à Kaliningrad

Le président russe s’est rendu ce jeudi dans l’enclave russe de Kaliningrad, coincée entre des pays membres de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN), la Lituanie et la Pologne, et au cœur des tensions entre Moscou et les pays occidentaux autour du conflit en Ukraine. M. Poutine a débuté sa visite en rencontrant des élèves faisant leur rentrée des classes, répondant à leurs questions sur des sujets aussi variés que l’économie, l’aérospatial ou l’offensive de Moscou en Ukraine, selon les images de ces échanges retransmises en direct à la télévision russe. Il a notamment déclaré :
Notre mission et celle de nos soldats (…) c’est d’arrêter cette guerre que Kiev mène au Donbass [est de l’Ukraine], de protéger les gens et, bien sûr, de défendre la Russie elle-même.
Le président russe a également affirmé que les habitants du Donbass, région où vivent de nombreux russophones, « considèrent qu’ils font partie de l’espace (…) culturel et linguistique » russe.