Plus de 1 100 localités sont toujours privées d’électricité en Ukraine après les frappes russes des dix derniers jours qui ont notamment visé des infrastructures critiques, a annoncé ce mardi le service ukrainien des situations d’urgence. Depuis le 7 octobre, jusqu’à 4 000 communes ont été touchées par des coupures de courant.
Plus tôt mardi, le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a déploré la destruction de « 30 % des centrales électriques ukrainiennes ». « La situation est critique maintenant dans tout le pays, car nos régions sont dépendantes les unes des autres », a déclaré un conseiller de la présidence, Kirill Timoshenko, demandant « que tout le pays se prépare à ce qu’il puisse y avoir des pannes d’électricité, d’eau et de chauffage ».
Selon l’armée ukrainienne, la Russie a frappé plus de 35 localités ces dernières 24 heures, usant de missiles de croisière, de missiles anti-aériens et de l’aviation, ainsi que de drones Shahed de fabrication iranienne.
La Russie avait déjà mené des frappes massives visant les infrastructures d’électricité et d’eau des villes ukrainiennes lundi, ainsi que le lundi précédent.
Enlèvements à Zaporijia
L’opérateur ukrainien Energoatom a accusé ce mardi la Russie d’avoir « enlevé » deux cadres de la centrale nucléaire de Zaporijjia, la plus grande d’Europe, qu’elle occupe depuis mars dans le sud de l’Ukraine.
Selon Energoatom, le chef du service informatique Oleg Kostioukov et l’adjoint au directeur de la centrale Oleg Ocheka ont été emmenés par les forces russes lundi « vers une destination inconnue ».
L’opérateur ukrainien a appelé sur les réseaux sociaux le patron de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), Rafael Grossi, à « faire tous les efforts » possibles pour obtenir leur libération.
La centrale nucléaire de Zaporijjia est régulièrement victime de bombardements et de coupures de courant, faisant craindre pour la sécurité de cette installation.
La Russie occupe militairement le territoire de la centrale de Zaporijjia et le président Vladimir Poutine en a revendiqué l’annexion début octobre, tout comme celle de quatre régions ukrainiennes.
Nord Stream : l’enquête
Le Kremlin a fustigé ce mardi l’enquête internationale menée sur les fuites des gazoducs Nord Stream 1 et 2 construits pour acheminer le gaz russe en Europe.

« De ce qu’on entend des déclarations faites en Allemagne, en France ou au Danemark, cette enquête est en train d’être arrangée de manière à faire porter la responsabilité à la Russie, ce qui est absurde », a déclaré aux journalistes le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov.
La Russie a accusé les pays occidentaux d’être à l’origine des explosions ayant provoqué ces fuites sur ces deux gazoducs, qui étaient à l’arrêt au moment de l’accident mais renfermaient encore du gaz.
M. Peskov a fait valoir mardi que « la Russie ne ferait pas sauter son propre gazoduc ». Moscou a demandé à plusieurs reprises d’être associée à l’enquête menée par plusieurs pays frontaliers de Nord Stream. La Russie a ouvert sa propre enquête sur les explosions, bien que n’ayant pas la possibilité d’investiguer sur le site.
Une enquête préliminaire sur les dommages subis par les deux gazoducs Nord Stream 1 et 2 dans la partie danoise de la mer Baltique montre que les fuites de gaz ont été causées par de « puissantes explosions », a dit mardi la police de Copenhague dans un communiqué.
Des chiffres fous…
Depuis le 24 février, et l’invasion russe de l’Ukraine que Moscou appelle « opération militaire spéciale », les États-Unis auront ainsi livré 142 systèmes d’artillerie et plus de 707.000 obus et missiles à l’armée ukrainienne, selon le Commandement des transports des forces armées américaines.

Aussi, 56.000 systèmes de missiles portatifs ont été déployés des États-Unis vers l’Europe pour combattre des cibles blindées, plus de 1.400 MANPADS (man-portable air-defense system en anglais, système portatif de défense antiaérienne consistant en un missile sol-air léger, lancé généralement à l’aide d’un lanceur porté sur l’épaule du tireur, évoluant au sol, NDLR), 15 hélicoptères, 42 radars de contre-batterie, 10.200 armes de poing (fusils d’assaut et pistolets), plus de 68 millions de cartouches pour armes légères et 18 bateaux de patrouille. Pour les livrer aux Ukrainiens, des avions de transport lourds ont effectué environ 800 rotations vers l’Europe. Quelque 44 navires, 104 trains et 2.800 remorques ont également été mobilisés.
Au total, plus de 75.000 tonnes d’armes et d’équipements militaires américains ont transité vers l’Europe à destination de l’Ukraine.
Prisonnières échangées
Cent huit femmes ont été libérées à la faveur d’un nouvel échange de prisonniers avec la Russie a annoncé ce lundi un conseiller de la présidence ukrainienne. « Un nouvel échange à grande échelle de prisonniers de guerre a eu lieu aujourd’hui. Un échange particulièrement émouvant et vraiment spécial : nous avons libéré 108 femmes de captivité », a indiqué Andriy Yermak sur Twitter.

Selon lui, il s’agit de 11 officiers, de 85 soldates et de 37 femmes évacuées de l’aciérie Azovstal dans la ville de Marioupol (sud-est), assiégée par les forces russes au début du conflit.
Andriy Yermak a, par ailleurs, affirmé que certaines de ces femmes libérées étaient détenues par les séparatistes pro-russes de l’Est de l’Ukraine depuis 2019 pour leurs « positions pro-ukrainiennes ».
L’un des dirigeants des séparatistes, Denis Pouchiline, a confirmé l’échange, indiquant que la Russie avait récupéré 110 personnes détenues par les Ukrainiens. Du côté de celles qui devaient retourner du côté de Kiev, « deux femmes ont refusé d’aller en Ukraine et ont décidé de rester en Russie », selon lui.
« Le déserteur » en russe
Un hymne antimilitariste français adapté au conflit russo-ukrainien. Le Déserteur, chanson écrite en 1954 par Boris Vian, est reprise en russe par la chanteuse Daria Nelson. Comme une réponse directe à la « mobilisation partielle » des citoyens russes annoncée par Vladimir Poutine pour les envoyer au front.
« Je viens de recevoir / Mes papiers militaires / Pour partir à la guerre / Avant mercredi soir / Monsieur le Président / Je ne veux pas la faire / Je ne suis pas sur Terre / Pour tuer des pauvres gens », chantait ainsi Boris Vian à la fin de la guerre d’Indochine.
Cette lettre d’un citoyen adressée à un chef d’État, pour lui faire part de son refus d’aller se battre, avait fait couler beaucoup d’encre à sa sortie. Jugée antipatriotique, elle avait même été interdite de diffusion à la radio.
C’est d’ailleurs pour cela que le musicien et journaliste français Benjamin Sire a souhaité la retravailler, à l’heure où la population russe s’inquiète de devoir aller combattre. Il a fait les arrangements et a cherché un ou une artiste russophone pour la reprendre. Et « c’est là que les problèmes ont commencé », comme il l’a confié à BFMTV:
« Tout le monde a refusé. Les russes, évidemment, pour des raisons de sécurité bien compréhensibles. Mais aussi les Ukrainiens, par refus de chanter en russe. »
La solution est arrivée lorsque Benjamin Sire a contacté le groupe français Dionysos, qui lui a soufflé le nom de la chanteuse Daria Nelson, née en Ukraine. En une prise, la chanson était dans la boîte.
« Nous sommes juste en train de nous adresser à la jeunesse qui va partir se battre contre un pays frère sans avoir de motif réel », déclare Benjamin Sire. « Il y a une intention de montrer la chanson, d’essayer de faire qu’elle arrive jusqu’en Russie. »