La ville libérée de Kherson et sa région font l’objet de nombreuses frappes depuis le départ des forces d’occupation russes en novembre. Le gouverneur régional de Kherson, Iaroslav Ianouchevytch, a notamment rapporté, sur la seule journée de jeudi 22 décembre, pas moins de 61 frappes, tuant une personne et en blessant deux autres, relaye le média britannique The Guardian. Au moins la moitié des tirs auraient touché la ville de Kherson et visé des blocs résidentiels, des écoles et des domiciles.
Vendredi, le média ukrainien Hromadske a également relayé les déclarations du secrétaire général adjoint de la présidence ukrainienne, Kyrylo Tymoshenko, qui affirme également que des infrastructures civiles ont été touchées ce vendredi 23 décembre, causant deux nouveaux décès. Tymoshenko confirme également qu’une école maternelle et des bâtiments résidentiels ont été frappés.
Patrimoine pillé

En parallèle des bombardements sur les civils, les forces russes s’empareraient du patrimoine culturel ukrainien. Au musée régional de Kherson, elles ont emporté la quasi-totalité des collections retraçant l’histoire de la ville.
« Tout était cassé et détruit« : à la vue de vitrines brisées et d’étagères désespérément vides, Olga Gontcharova, responsable du musée de Kherson, ville du sud de l’Ukraine récemment reprise aux Russes, a ressenti « comme un coup de couteau dans le coeur« . Après plus de huit mois d’occupation russe, elle a découvert, atterrée, l’état dans lequel les occupants ont laissé ces lieux qu’elle arpente depuis 1978.
Selon un employé de la sécurité du musée, cité par HRW, des Russes en habits de civils ont occupé le musée « à de nombreuses reprises« , notamment pour célébrer la Journée du drapeau national russe en août. HRW indique même qu’en octobre, un groupe d’environ 70 personnes s’est rendu au musée, gardé alors par l’armée russe, pour y prendre des objets et les emmener dans trois camions différents.
Selon l’ONG internationale, « au moins 450 objets » ont disparu au total dont notamment du précieux « or des Scythes, des médailles impériales russes et des pièces de monnaie« , mais aussi des tableaux, des meubles ou encore des uniformes militaires datant de l’époque soviétique. Un trésor local, hérité de centaines d’années d’histoire, au gré des péripéties du pays. « C’est un acte barbare. Ils ont utilisé un pied de biche », lance-t-elle, dépitée. « Tout a été cassé et détruit« .
Dissimulation des « crimes de guerre »

Ce vendredi 23 décembre, une vidéo partagée par le ministre ukrainien de la culture, Oleksandr Tkachenko, sur les réseaux sociaux, montre le théâtre de Marioupol en pleine démolition. La ville est occupée par les forces russes, qui prétendent la reconstruire. Le ministre de la Culture, interpellant l’Unesco, a déclaré dans un tweet que la démolition du théâtre était une « tentative de cacher à jamais les preuves du meurtre délibéré d’Ukrainiens par des Russes ».
En mars dernier, le théâtre avait en effet été bombardé alors qu’il abritait, au même instant, des centaines de civils, et que le mot « ENFANTS », visible depuis le ciel, était écrit à l’avant et à l’arrière du théâtre. Le 30 juin 2022, l’ONG Amnesty International révélait les résultats d’une enquête menée suite au bombardement du théâtre. Le rapport parlait d’une douzaine de morts et de bien d’autres non recensés. Associated Press faisait état, dans une autre enquête, de plus de 600 morts. Petro Andriouchtchenko, maire ukrainien exilé de la ville, accuse lui aussi les autorités d’occupation de tenter de dissimuler le bombardement russe du théâtre.
L' »aveu » de Poutine

Pour la première fois depuis le début de l’invasion de l’Ukraine en février 2022, le président russe Vladimir Poutine a publiquement employé le mot de « guerre » jeudi 22 décembre lors d’une conférence de pressepour décrire ce qu’il qualifiait auparavant d’« opération militaire spéciale ». Un député municipal de Saint-Pétersbourg, Nikita Iouferev, a porté plainte rapidement contre Vladimir Poutine, l’accusant d’avoir diffusé de « fausses informations », la réaction des Occidentaux se faisait aussi attendre après l’utilisation du mot « guerre ».
Ce vendredi 23 décembre 2022, les États-Unis ont appelé le président russe Vladimir Poutine à reconnaître la réalité du conflit en Ukraine et à retirer ses troupes après son utilisation du mot, proscrit en Russie. « Depuis le 24 février, les États-Unis et le reste du monde savaient que « l’opération militaire spéciale » était une guerre non provoquée et injustifiée contre l’Ukraine », a assuré un porte-parole du département d’État américain.
« Au final, après 300 jours, Poutine a appelé la guerre par son nom, a-t-il ajouté. Comme prochaine étape dans la reconnaissance de la réalité, nous l’exhortons à mettre fin à cette guerre en retirant ses troupes d’Ukraine. »
« L’agression de la Russie contre la souveraineté de son voisin a causé la mort, la destruction et des déplacements de populations », quelle que soit la terminologie utilisée par Vladimir Poutine, a poursuivi le département d’État.
Des milliards à l’Ukraine

Le Congrès américain a adopté vendredi un vaste projet de loi de finances des services fédéraux, d’un total de 1.700 milliards de dollars, dont 45 pour l’Ukraine. « Ce projet est un texte de loi essentiel non seulement pour financer l’Etat, payer nos fonctionnaires, mais aussi pour montrer que l’Etat américain fonctionne », avait déclaré avant le vote le responsable des élus démocrates à la Chambre, Steny Hoyer.Donald Trump, à nouveau candidat pour 2024, a qualifié jeudi le texte d' »abomination », l’imputant à l' »extrême gauche », aux élites de la capitale et aux lobbies.
Par ailleurs, les Pays-Bas ont annoncé, vendredi, la mise à disposition d’une enveloppe totale de 2,5 milliards d’euros en soutien à l’Ukraine en 2023, dont 2 milliards d’euros d’aide militaire.
L’ « Âge de glace«
L’ambassadeur de Moscou à Washington, Anatoli Antonov, a affirmé dans une interview accordée à l’agence de presse russe Tass que le risque d’un affrontement entre la Russie et les États-Unis est « élevé ». « Les États-Unis mènent une guerre par procuration contre la Russie sur le territoire de l’Ukraine, le risque d’une confrontation entre les deux États est élevé », a notamment déclaré Anatoli Antonov. L’ambassadeur de Russie aux Etats-Unis a défini l’état des relations entre les deux pays comme étant à « l’ère glaciaire ».

Toujours selon Tass, Anatoli Antonov a ajouté qu’il était difficile de dire quand un dialogue stratégique entre Moscou et Washington pourrait reprendre mais a jugé que les négociations sur les échanges de prisonniers avaient été « efficaces » et se poursuivraient. L’échange de prisonniers réalisé début décembre entre la basketteuse américaine Brittney Griner et le trafiquant d’armes russe Victor Bout constitue l’une des rares avancées diplomatiques cette année entre Washinton et Moscou.