« Tout pour la victoire ! » Pendant près de deux heures ce mardi, Vladimir Poutine, résume le journal Les Echos, a axé son adresse à la nation sur la « guerre » en Ukraine. Un mot pourtant formellement interdit. Mais le chef du Kremlin l’a lui-même prononcé afin de mieux dénoncer les responsabilités des Occidentaux.
« Ce sont eux qui ont commencé la guerre . Nous avons tout fait pour l’éviter », a déclaré le président, reprenant son habituel narratif anti-occidental devant des parlementaires, des ministres, des PDG de groupes publics, des représentants religieux et… de nombreux militaires, tous grades confondus.
« Les élites de l’Ouest ne cachent pas leur objectif : infliger une défaite stratégique à la Russie, en finir une bonne fois pour toutes avec nous », a lancé Vladimir Poutine sous les applaudissements. Avec une seule vraie annonce : la « suspension » (mais pas le « retrait », a-t-il insisté) de la participation russe à l’accord New Start sur le désarmement nucléaire .
Ce traité, qui a pris la suite du traité Start I signé au moment de la dissolution de l’URSS, a été signé en 2010 et prolongé in extremis pour cinq ans en janvier 2021. C’est le dernier accord bilatéral du genre liant les deux plus grandes puissances nucléaires, Etats-Unis et Russie. Le traité plafonne à 1.550 le nombre d’ogives nucléaires stratégiques (de très forte puissance) déployées par chaque pays, soit quatre fois moins que le niveau observé à la fin de la Guerre froide.
Sa suspension n’implique pas que le Kremlin va déployer des ogives supplémentaires, mais qu’il se réserve le droit de mener des essais nucléaires, « si Washington en réalise », a précisé Vladimir Poutine, et qu’il n’autorisera plus les inspections américaines sur ses sites. Inspections de facto suspendues depuis août dernier en représailles aux entraves alléguées des inspections russes aux Etats-Unis.
Vladimir Poutine a multiplié les annonces de subventions et de programmes d’infrastructures. Il a aussi garanti que chaque famille de soldats en deuil bénéficierait d’une aide personnalisée de la part des services sociaux.
Avec un leitmotiv : le développement d’un modèle économique et social indépendant, « pas celui que les Occidentaux voulaient que l’on copie », a insisté Vladimir Poutine. Il s’est félicité de la baisse du PIB limitée à 2,1 % l’an passé et a promis une inflation « bientôt » à 4 % (contre 12 % actuellement). Autant de succès économiques qui ont formé l’autre fil conducteur de ce discours au vitriol conclu par un tonitruant « pour la victoire, pour la nation ! » et « la vérité est avec nous ! ».
C’est par ces mêmes mots que le président avait déjà terminé son discours du 30 septembre sur l’annexion de quatre régions ukrainiennes. Depuis, son armée a dû se retirer de Kherson. Elle ne contrôle plus que la moitié du territoire de Donetsk. Vladimir Poutine n’a pas dit un mot sur ces revers militaires et n’a pas clairement expliqué quels étaient désormais ses objectifs. En février 2022, la cible était clairement la prise de Kiev et un changement du régime, rappelle Les Echos.
Réactions
L’Ukraine va « chasser et punir » la Russie, a déclaré Andriï Iermak, le chef de cabinet du président ukrainien Volodymyr Zelensky, après de Vladimir Poutine. « Pour le dire brièvement, (les Russes) sont stratégiquement dans une impasse. Notre tâche est de les chasser d’Ukraine et de les punir pour tout », a dit M. Iermak sur la messagerie Telegram.

Une réponse du tac au tac au président russe, qui a accusé ce mardi l’Occident d’utiliser le conflit en Ukraine pour « en finir » avec la Russie, estimant que les Occidentaux portaient « la responsabilité » de l’escalade.
Le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, a jugé, à Athènes, que la décision de la Russie de suspendre sa participation à l’accord New Start sur le désarmement nucléaire était « très décevante et irresponsable ».
Le secrétaire général de l’Otan Jens Stoltenberg a regretté et appelé la Russie à revoir sa position », a-t-il ajouté. « Plus d’armes nucléaires et moins de contrôle des armements rendent le monde plus dangereux », a-t-il martelé.
A Washington, un haut responsable américain a dénoncé « l’absurdité » des accusations du président Vladimir Poutine qui a affirmé que la menace occidentale contre la Russie justifiait l’invasion de l’Ukraine.
« Personne n’attaque la Russie. Il y a une sorte d’absurdité dans l’idée que la Russie était sous une forme de menace militaire de la part de l’Ukraine ou de quiconque d’autre », a déclaré aux journalistes le conseiller à la sécurité nationale de la Maison Blanche, Jake Sullivan.
Biden : la défense de la liberté

A Varsovie, en fin d’après-midi, Joe Biden s’est érigé en défenseur de la liberté face à l’oppression, à la dictature. «Nous avons été questionnés sur nos principes fondamentaux : la liberté, la démocratie, le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Et maintenant nous avons apporté la réponse : nous avons défendu ces principes, quoi qu’il en coûte !» a lancé Joe Biden, qui a proclamé son admiration envers le peuple ukrainien, «très courageux».
Le président américain a affirmé que poutine s’est « fourvoyé ». Il pensait que l’’Otan se fracturerait, elle est unie et plus forte que jamais ». Il a poursuivi : «l’Ukraine ne sera jamais une victoire pour la Russie, car les peuples refusent de vivre dans un monde d’obscurité et de désespoir. Les autocrates doivent entendre le mot : non ! Non, vous ne prendrez pas l’Ukraine». ET il a assuré : « nous nous engageons pour le droit à l liberté et nous continuerons à nous battre ».
Prenant le contrepied de son homologue russe, il a déclaré : l’Occident ne cherche pas à attaquer la Russie» et que «cette guerre peut prendre fin en un instant, si Moscou décide d’y renoncer. Poutine peut stopper la guerre d’un seul mot».
Ambassadeur convoqué

La diplomatie russe a convoqué l’ambassadrice américaine à Moscou pour lui remettre une note exigeant des Etats-Unis le retrait des « soldats et équipements » de l’Otan en Ukraine, référence à l’aide militaire que Kiev reçoit des Occidentaux.
« Il a été noté en particulier que pour aboutir à une désescalade de la situation, Washington doit prendre des mesures en vue du retrait des soldats et équipements américains et de l’Otan, et cesser ses activités antirusses », a indiqué le ministère russe des Affaires étrangères, dans un communiqué.
Cette demande de Moscou intervient quelques instants après le discours de Vladimir Poutine à la nation.