Le président russe ne change pas : c’est l’Ukraine qui est responsable des « atrocités ». Lors d’une conversation d’un peu plus des deux heures, Vladimir Poutine a déclaré à Emmanuel Macron que l’Occident devait arrêter de fournir des armes à l’Ukraine : « L’Occident pourrait aider à arrêter ces atrocités en exerçant une influence appropriée sur les autorités de Kiev, ainsi qu’en arrêtant la fourniture d’armes à l’Ukraine ». Il a ajouté que Kiev « manque de préparation pour un travail sérieux » dans les pourparlers de paix.
A Marioupol et ailleurs
Ce mardi, l’armée russe, épaulée par les forces prorusses, a lancé une offensive sur l’usine Azovstal, dernière poche de résistance de Marioupol, le grand port du sud-est de l’Ukraine assiégé et ravagé par les combats. « Des unités de l’armée russe et de la République populaire de Donetsk, utilisant de l’artillerie et des avions, commencent à détruire » les « positions de tir » de combattants ukrainiens, a déclaré le ministère russe de la Défense, cité par les agences de presse russes. «Un puissant assaut sur le territoire d’Azovstal est en cours actuellement, avec le soutien de véhicules blindés, de chars, avec des tentatives de débarquement de troupes, avec l’aide de bateaux et d’un grand nombre d’éléments d’infanterie», a affirmé Sviatoslav Palamar, commandant adjoint du régiment Azov dans un message vidéo sur Telegram.
La veille, a annoncé ce matin l’ONU, 101 civils coincés depuis des semaines dans le complexe industriel avaient pu être évacués. « Je suis heureuse et soulagée de confirmer que 101 civils ont été évacués avec succès de l’usine métallurgique Azovstal, à Marioupol », a indiqué la coordinatrice humanitaire des Nations unies pour l’Ukraine Osnat Lubrani, citée dans un communiqué.
Dans le Donbass, les forces russes poursuivent leur offensive, avec des combats particulièrement intenses autour d’Izioum, Lyman et Roubijné. A l’approche du 9 mai, jour, en Russie, de la victoire contre l’Allemagne nazie, le gouverneur de la région de Louhansk a dit s’attendre à « une intensification des bombardements ».
A Odessa, «une frappe de missile» a «endommagé un immeuble dans lequel se trouvaient cinq personnes», a annoncé lundi soir le conseil municipal d’Odessa Telegram. «Un garçon de quinze ans est mort, un autre enfant mineur a été transporté à l’hôpital», a-t-il ajouté. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a dénoncé cette attaque sur un «dortoir»: «En quoi ces enfants et le dortoir ont-ils menacé l’Etat russe? C’est comme ça qu’ils se battent».
UE, gaz et embargo
L’UE refuse de payer le gaz russe en roubles, comme l’exige Moscou. « Nous devons nous préparer à une suspension des approvisionnements », a averti la commissaire européenne à l’Energie, Kadri Simson, qui dénonce « une modification unilatérale et injustifiée des contrats et il est légitime de la rejeter ». Elle a précisé que seuls deux tiers des 150 milliards de mètres cubes de gaz achetés à la Russie pourraient être remplacés.

D’autre part, un projet d’embargo sur le pétrole et les produits pétroliers achetés à la Russie devait être soumis ce mardi aux pays membres de l’UE mais la mesure suscite encore des réserves, ont indiqué à l’AFP plusieurs responsables et diplomates européens. La Commission européenne a finalisé sa proposition pour un sixième paquet de sanctions contre Moscou pour tarir le financement de son effort de guerre contre l’Ukraine. Elle prévoit un arrêt progressif des achats européens sur une période de six à huit mois jusqu’à fin 2022, avec une exemption pour la Hongrie et la Slovaquie, deux pays enclavés et totalement dépendants des livraisons par l’oléoduc Droujba, qui pourront continuer leurs achats à la Russie en 2023, a précisé un responsable européen. Cette dérogation pose problème car la Bulgarie et la République tchèque veulent également en bénéficier, ont expliqué des diplomates informés des discussions menées par la Commission.
Aucune communication de la Commission n’est prévue avant l’intervention de la présidente Ursula von der Leyen mercredi devant les députés européens, ont indiqué plusieurs sources. « Je ne sais pas si l’adoption de la proposition sera possible d’ici au weekend », a confié le ministre allemand de l’Energie Robert Habeck. « L’unanimité est nécessaire, rien n’est garanti. Chaque nouveau paquet de sanctions contre la Russie est plus difficile à adopter car il impose des choix politiques à chaque Etat membre », a expliqué le responsable européen.
Outre l’embargo progressif, les Vingt-Sept examinent également des mesures immédiates comme une taxe sur le transport par tankers, selon le responsable européen. Ce nouveau paquet de sanctions prévoit également l’exclusion d’autres banques russes du système interbancaire Swift, a déclaré lundi Josep Borrell. Sept établissements russes ont déjà été bannis de Swift par l’UE. La plus importante banque russe, la Sberbank, qui représente 37% du marché, en fera partie, selon plusieurs sources diplomatiques.
Aide britannique
Le Royaume-Uni va augmenter son aide militaire à l’Ukraine, face à l’invasion russe, de 300 millions de livres (environ 355 millions d’euros) avec notamment des radars et des drones, a annoncé, ce mardi, le premier ministre britannique, Boris Johnson, lors d’un discours devant le Parlement ukrainien.
« Je peux annoncer aujourd’hui un nouveau plan d’aide du gouvernement britannique d’un montant total de 300 millions de livres, incluant des radars pour localiser l’artillerie qui bombarde vos villes, des drones de transport lourd pour approvisionner vos forces, et des milliers d’appareils de vision nocturne », a déclaré le dirigeant dans ce discours prononcé par visioconférence depuis Londres.
Le pape à Moscou ?

Le pape François a annoncé dans le quotidien italien Corriere Della Sera avoir demandé à rencontrer le président russe, Vladimir Poutine, à Moscou afin de tenter de faire cesser la guerre en Ukraine. Pour l’heure, aucune réponse ne lui a été donnée. « Je crains que M. Poutine ne puisse et ne veuille pas avoir cette rencontre maintenant. Mais tant de brutalité, comment ne pas tenter de l’arrêter ? Il y a vingt-cinq ans, nous avons vécu la même chose avec le Rwanda », a déclaré le souverain pontife. Et d’ajouter :
Je ne vais pas à Kiev pour le moment. J’ai envoyé le cardinal Michael Czerny et le cardinal Konrad Krajewski. Mais je sens que je ne dois pas y aller. Je dois d’abord aller à Moscou, je dois d’abord rencontrer Poutine.Le pape a également eu des mots critiques à l’égard du patriarche Kirill de Moscou, chef de l’Eglise orthodoxe russe et fervent partisan de la guerre : J’ai parlé à Kirill pendant quarante minutes via Zoom. Les vingt premières minutes, (…) il m’a lu toutes les justifications de la guerre [qu’il avait notées sur un carton]. J’ai écouté et je lui ai dit : « Je ne comprends rien à tout cela. Frère, nous ne sommes pas des clercs d’Etat, nous ne pouvons pas utiliser le langage de la politique, mais celui de Jésus. »Le souverain pontife a ajouté que le patriarche Kirill « ne pouvait pas devenir l’enfant de chœur de Poutine ».