Propos recueillis par : Sayda BEN ZINEB

Jacqueline Pierreux, productrice belge (89 ans), nous la croisons tous les ans au Festival du Film Francophone de Namur lors des projections Presse car elle visionne en moyenne 05 films par jour. Cette Grande Dame au grand cœur est d’un abord facile ; elle vous met tout de suite à l’aise pour vous raconter ses premières amours avec le cinéma auquel elle s’est vouée corps et âme. « J’ai d’abord été séduite comme spectatrice, en particulier par les grandes comédies hollywoodiennes et par les sentiments positifs qu’elles procuraient. C’est cela qui m’a encouragée à m’orienter vers ce métier… ».
D’un milieu modeste, ouvrier et « non intellectuel » comme elle l’a affirmé, Jacqueline Pierreux a fui la guerre à l’âge de six ans avec sa famille pour s’installer à Londres après que son père et ses oncles furent décimés. Sa mère a tout pris en charge en l’inscrivant dans une école anglaise puis en l’aidant dans son parcours et ses projets. Jacqueline a appris la langue anglaise sur des bases solides, ce qui l’a énormément aidée dans sa carrière de productrice et ses déplacements à l’étranger. Membre fondateur du FIFF (où elle est traitée avec beaucoup d’égard et de respect, contrairement à d’autres contrées où on ne reconnait plus la valeur des personnes âgées), elle fréquente Cannes depuis une quarantaine d’années, au début en tant que productrice « car il fallait bien travailler », dit-elle. Quant au cinéma tunisien, elle l’a découvert grâce à Férid Boughedir. Entretien.
*Vous avez un long parcours dans le domaine du cinéma, riche en expériences et en découvertes. Quels sont les plus grands moments ?
Jacqueline Pierreux : A 28 ans (1962), je me suis inscrite à l’INSAS (Institut National Supérieur des Arts du Spectacle), section réalisation-production, et j’ai fait partie des premières élèves jusqu’en 1966, année du diplôme. J’ai assuré par la suite, la direction de production du film d’André Delvaux, « L’homme au crâne rasé », alors que j’étais encore stagiaire. J’ai continué comme directrice de production et à la régie générale sur des courts et longs métrages de réalisateurs belges tels que : Luc de Heusch et Henri Colpi, pour ne citer que ces noms.
En 1969, je fonde ma boîte de production « Pierre Films » avec laquelle j’ai produit jusqu’en 1980, les courts et longs métrages de jeunes réalisateurs belges et notamment « Home sweet home » de Benoît Lamy, et « La cage aux ours » de Marian Handwerker . En 1980, j’intègre la RTBF comme déléguée à la production. En 1984, je suis nommée responsable des coproductions et en 1991, responsable des productions cinéma jusqu’à la fin de ma carrière. Parmi les œuvres que j’ai produites durant cette période, (une quinzaine) : « Gros Cœurs » de Pierre Joassin, « Le Maître de Musique » de Gérard Corbiaux avec José Van Damme, dont je suis également coscénariste, et « Blanval » de Michel Mees. Par ailleurs, j’ai coproduit une cinquantaine de films dont : « La vie est belle » de Benoît Lamy et Mweze Ngangura, « Australia » de Jean-Jacques Andrien, et« La promesse » de Luc et Jean-Pierre Dardenne.
Pour résumer, ma vie professionnelle est faite de deux parties ; productrice indépendante puis à la télévision où j’ai créé des sections pour l’aide à la production et l’aide au développement en imitant TF1 et FR2 avec leur département Cinéma jusqu’en 1998, année où j’ai pris ma retraite. Il faut dire que dans les deux situations, c’était dur ! Rien n’était prévu au départ puisque je viens d’un milieu ouvrier et non intellectuel… Mais j’aime le cinéma, c’est aussi simple que ça … Le cinéma ne m’a jamais quittée !
*Une longue histoire d’amour avec le FIFF que vous ne quittez plus. Quel en est le secret ?
Jacqueline Pierreux: J’ai continué entre temps à donner des cours de production dans Plan Média, un département culturel de la Communauté européenne pour la formation, en Italie, Allemagne, France. Puis petit à petit, j’ai abandonné (on vieillit), pour me consacrer au FIFF où je sélectionne des scénarios à former comme le film tunisien « Ashkal » de Youssef Chebbi.
*Et votre découverte du cinéma tunisien, est- ce que vous vous en souvenez ?
Jacqueline Pierreux : Au fait, mon expérience avec le cinéma tunisien date depuis les années quatre-vingt, et précisément avec Férid Boughedir. Il m’avait beaucoup impressionnée à l’époque car j’ai coproduit son film « Un été à La Goulette » avec Claudia Cardinale. Par ailleurs, je trouve le long métrage de la jeune réalisatrice Erige Séhiri, « Sous les figues », trop long, trop répétitif avec ces histoires d’amour, de mariage à n’en plus finir… Mais ce qui est intéressant, c’est la manière avec laquelle elle a filmé la journée de la récolte des figues. Les jeunes comédiennes sont extraordinaires, elles jouent vraiment bien !